“Malla Raha!“ (bon débarras!), nous dit sans détours la dame qui gère le 'Prince de Galles', sous les arcades du Port de France à Bab Bhar, l'une des boutiques de prêt-à-porter les plus réputées à Tunis. ''Pendant des semaines, nous n'avons rien pu faire alors que nous voyions que même les policiers ne voulaient pas les provoquer. Nos clients, qui ne sont pas les mêmes que ceux des marchands ambulants, hésitaient à s'arrêter devant la vitrine'', ajoute-t-elle avec un sourire. On la comprend car la déferlante des marchands ambulants, qui a grossi de manière impressionnante après la Révolution, a fini il y a deux jours en apothéose: une bataille rangée pour qui occupera quel bout de trottoir et où on se bagarra avec passion à l'aide de gros bâtons, semant la terreur auprès des boutiquiers et des passants et ne s'arrêtant qu'après l'intervention massive des policiers épaulés par les militaires! Mourad, un jeune policier très bien de sa personne, reconnaissable grâce au Talkie-walkie qu'il tient à la main, nous accoste avec finesse alors que nous prenons des photos de la rue Charles de Gaulle, enfin lavée de l'exposition de toutes sortes de produits à même le trottoir et sur des cartons d'emballage. Le jeune policier souhaite que la presse connaisse aussi la version des Gardiens de la Paix... et ce qu'il nous révèle vaut le détour: “L'écrasante majorité de ces marchands ambulants n'est à Tunis que depuis quelques semaines. Je suis tout le temps dans les parages et je connais les gens et je peux vous assurer que la plupart me sont inconnus. Pour moi, c'est clair, quelqu'un les a envoyés à partir de certaines régions pour semer la pagaille“, nous confie-t-il. “Ce n'est rien de moins qu'une autre 'Fitna' (en arabe, un mélange de discorde et de grave provocation) qui éprouve les Tunisiens attachés à la paix dans leur pays“, tient-il à ajouter. Quand un policier voit les choses de cette manière, on se dit que l'argument social, quand on évoque les marchands ambulants, n'a plus que bien peu de sens. Si on veut aller plus loin, on se trouve à se demander si cette crise ne serait pas le moment opportun pour mettre fin à la 'Dictature' qui n'a que trop duré des marchands ambulants. Car, à part le spectacle navrant de la gabegie ambiante, ces commerces anarchiques mettent radicalement à mal le devenir de milliers de boutiques qui payent leurs impôts et leurs cotisations sociales. Une solution pour ces emplois, certes parallèles mais quand même des emplois, serait de créer un troisième espace qui leur serait alloué après les espaces de Moncef Bey et de Sidi Bou Mendil.