«En fouillant dans mes documents, j'ai trouvé ce guide de la plaisance qui date de 1979». Voyant Afif Kchouk, hôtelier et éditeur (Tourisme Info) et organisateur, jeudi 28 juin 2012, d'une table ronde sur «la plaisance, produit et industrie», brandir son «trophée», Moez Benzid ne s'est pas empêché de lancer un «je pense qu'il est toujours d'actualité», un tantinet moqueur. Une manière pour le président-directeur général de Bizerte Cap 3000, la société promotrice de la marina de Bizerte, d'exprimer sa frustration le mot revient souvent dans sa bouche- devant le retard pris par un secteur dont il croit le potentiel immense en Tunisie. Le jeune p-dg a d'ailleurs réitéré à la fois l'expression de sa frustration et de cette conviction en ouverture de la table ronde et en présence du ministre du Tourisme, Elyès Fakhfakh. «En Tunisie, la plaisance a toujours été considérée comme une animation destinée à faire vendre le produit touristique et non comme un véritable produit», constate M. Benzid. Or, il y a en Méditerranée une demande non satisfaite d'anneaux tellement importante qu'elle peut faire travailler non seulement Marina Bizerte, mais plusieurs autres ports de plaisance en Tunisie et ailleurs. Les chiffres le démontrent on ne peut plus clairement: «En France, 67.000 sont inscrits sur la liste d'attente pour une place dans un port et l'attente dure de 10 à 15 ans», souligne le patron de Bizerte Cap 3000. Dont l'argumentaire semble avoir fait mouche puisque le ministre du Tourisme a promis de s'attaquer «dès qu'on aura passé la saison touristique», c'est-à-dire à la rentrée, à l'élaboration d'une stratégie de développement de la plaisance ayant comme objectif d'atteindre la barre des 10.000 anneaux en dix ans. Le ministère du Tourisme s'attaquera aussi à créer le cadre juridique permettant d'introduire la chartérisation sans laquelle la plaisance aurait peu de chances de décoller véritablement. M. Fakhfakh est d'autant plus disposé à s'engager sur ce terrain que la reprise nette qui reste toutefois à confirmer- de l'activité touristique «nous met en confiance pour attaquer les problèmes structurels». Dont celui de la diversification de l'offre d'un secteur trop dépendant à ce jour du balnéaire. Le ministre du Tourisme est d'ailleurs confiant «dans notre capacité à rattraper le retard» enregistré en matière de plaisance, et ce grâce à la conjonction de trois nouveaux facteurs: le nouveau contexte dans le pays se distinguant notamment par la transparence, l'engagement des professionnels et l'action que mène la société civile. En fait, l'effort national de rattrapage dans le domaine de la plaisance a déjà commencé et il est le fait à la fois de la société civile, des pouvoirs publics ministère du Tourisme et Office national du tourisme tunisien (ONTT), en particulier- et des professionnels. M. Fakhfakh a ainsi révélé que son département collaborait déjà avec une association qui «est en train d'aider à formuler une vision en matière de plaisance» et qui, dans ce cadre, a procédé en Turquie à un benchmarking. Ensuite, l'ONTT a, lui aussi, fait un premier pas sur cette voie en consacrant, pour la première fois, un budget pour la promotion de la plaisance. Férid Fetni, p-dg de cet organisme, a promis de revoir à la hausse, en 2012, ce budget qui s'établit à 350.000 dinars en 2012. Enfin, le secteur privé assume lui aussi sa part dans l'effort et elle est parfois très grande, comme c'est le cas de Marina Bizerte. Dont le budget promotionnel déjà assez consistant -800.000 dinars- va passer à 1,2 million de dinars. Mais pour l'ensemble des acteurs, le chemin est encore long qui mène à un secteur de la plaisance digne de ce nom en Tunisie.