Alors que les accords de partenariat sont encore loin d'avoir été généralisés à tous les pays sud-méditerranéens au Maghreb, seuls la Tunisie et le Maroc en ont déjà conclu et l'Algérie est en train de ratifier le sien-, l'Union européenne a changé son fusil d'épaule pour proposer à ses partenaires de la rive sud de la Méditerranée une nouvelle démarche baptisée «Politique européenne de voisinage». Dans son libellé initial, le nouveau statut proposé aux pays sud-méditerranéens semblait plus alléchant, plus «généreux» de la part de l'Europe, puisqu'on proposait à ces pays «tout sauf les institutions». Concrètement, cela voulait dire que ces pays pourraient tout exporter sur le marché européen y compris les produits agricoles, exclus de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne- et enfin obtenir pour leurs populations le droit que l'Union européenne ne veut pour l'instant pas accorder- de se rendre et de circuler librement en Europe. Près de deux ans après l'annonce initiale et alors que les fameux «plans d'action», qui doivent concrétiser la nouvelle démarche européenne, sont en discussion entre l'Union européenne d'un côté, le Maroc et la Tunisie de l'autre, la partie européenne semble être revenue sur son offre. Un pas en arrière que plusieurs intervenants lors de l'édition 2005 de l'Université d'Eté qu'organise l'Association Club Mohamed Ali de la Culture Ouvrière (ACMACO). La «lecture» la plus critique de la Politique européenne de voisinage (P.E.V.) fut l'uvre de M. Ivan Martin, économiste espagnol. La zone de libre-échange Euromed devait, rappelle ce conférencier, rendre les pays méditerranéens plus attractifs pour les investissements directs étrangers, améliorer le taux de croissance de ces pays et augmenter le nombre d'emplois créés, rappelle M. Ivan Martin. Et les fonds Méda étaient censés aider les pays sud-méditerranéens à opérer la mise à niveau de leurs industries, à garantir «un cadre macroéconomique stable et à favoriser leur intégration régionale pour limiter les effets sociaux de la zone de libre-échange». Malgré cela, le processus de Barcelone n'a pas eu les effets positifs escomptés, estime l'économiste espagnol parce que «des chaînons essentiels manquaient». D'abord, l'accord de partenariat ne prévoit pas la libéralisation du marché agricole. Ensuite, il n'y a pas d'intégration entre les pays du Sud. Dans le cas du Maghreb, l'intégration «est la seule réponse à tous les défis» auxquels les pays de la région font face en matière de compétitivité, d'IDE, de croissance et de création d'emplois, affirme M. Martin. Enfin, les moyens financiers alloués dans le cadre du programme Méda sont «insuffisants». Sur ce plan, M. Ivan Martin est absolument formel : «dix ans après le lancement du processus de Barcelone, les flux financiers nets continuent à être négatifs pour les pays du Sud». Et ce déficit s'élève, d'après l'économiste espagnol, à plus de 100 euros par tête d'habitant, et «même en tenant compte des transferts des émigrés, il est d'au moins 50 euros». Plus grave, alors qu'elle était supposée, d'après l'annonce initiale, apporter un plus aux pays du Sud, la politique européenne de voisinage est loin de tenir ses promesses initiales. «Il y a un décalage entre le potentiel et les annonces politiques, d'un côté, et les réalités de l'autre», affirme le conférencier. En effet, le passage des accords de partenariat à la Politique de voisinage se traduit par la perte de notions essentielles comme la logique de l'intégration remplacée par une liste d'actions à entreprendre et pour lesquelles on reçoit une «récompense, l'idée de responsabilité partagéecontrairement au partenariat, la Politique de voisinage est une politique européenne et, enfin, les plans d'action (y compris ceux en cours de discussion avec la Tunisie et le Maroc) sont des plans «bilatéraux, alors qu'en novembre 2003, l'Union européenne envisageait des plans régionaux».