Dans une économie de marché, la concurrence devient l'un des fondamentaux de la libéralisation. On pensait que celle-ci a l'avantage de dynamiser le marché et de créer une certaine mobilité de ses acteurs. Mais la réalité est que l'Etat avait toujours la "mainmise" sur l'organisation de cet aspect, par la promulgation de politiques de la concurrence et pour organiser le marché. Dans les pays en développement, les législations sur la concurrence n'ont vu le jour que dans les années 90. Jusque là, l'Etat était interventionniste et avait le monopole dans les principaux secteurs d'activités. Il n'y avait, donc, pas besoin de recourir à une politique qui organise le marché. Avec l'ouverture, voire la libéralisation, des marchés -motivés principalement par les "Politiques d'ajustement structurelles" imposées par la Banque mondiale-, les pays en développement se sont mis dans le bain. Plusieurs pays ont promulgué des lois organisant le marché. Application lente Les mérites de la politique de la concurrence ne sont pas à démontrer. Selon M. Khélifa Tounakti, directeur général de la concurrence et des enquêtes économiques, elle permet l'accélération de l'intégration dans le marché, de protéger le pouvoir d'achat et de contrôler l'inflation. «Sans une politique de concurrence, il y aurait de sérieuses menaces sur le système économique et social global. Elle permet de protéger l'économie de marché mais seulement si elle est accompagnée par un système de régulation permettant de sauvegarder la concurrence», précise-t-il, lors du séminaire organisé, du 22 au 24 février 2010, par le ministère du Commerce et de l'Artisanat en collaboration avec le CIDC (Centre Islamique pour le Développement et le Commerce), et portant sur «les politiques et le droit de la concurrence dans les Etats membre de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI) : situation actuelle et perspectives». «Mais l'application est lente parce que le processus demande beaucoup de temps. Il faut créer de nouvelles institutions, former les juges et les avocats, promouvoir la culture de la concurrence, etc. Aux les Etats-Unis d'Amérique, le processus a duré 7 ans ; au Royaume-Uni 11 ans, en Italie 12 ans et au Japon 20 ans. On ne décrète pas un droit de la concurrence. Il ne faut, donc, pas presser les choses, parce qu'il faut du temps pour préparer la logistique juridique nécessaire», lance M. El Hassane Hzaine, directeur des études et de la formation au Centre Islamique pour le Développement et le Commerce (CIDC). Défis et obstacles Dans les pays membres de l'OCI, l'engouement pour la politique de la concurrence n'est pas le même. Un premier groupe rassemble les pays les plus avancés, tels que la Turquie et la Malaisie. Un deuxième groupe pour les moins avancés, tels que la Tunisie, l'Algérie et l'Egypte ; et un troisième englobe les pays qui n'ont pas encore de lois sur la concurrence. Encore du chemin à faire puisque plusieurs défis sont à relever. L'application de la politique de la concurrence nécessite une grande technicité. Sur le terrain, c'est encore flou : il y a un manque d'équipements, un personnel insuffisant et des ressources financières insuffisantes. Comme obstacles, M. Hzaine affirme l'existence d'intérêts acquis de certains secteurs, de la corruption, le manque d'institutions et d'individus, etc. Il s'agit aussi d'obstacles structurels : la difficulté de gagner un procès et d'appliquer la loi, un pouvoir d'enquêtes insuffisant, des sanctions insuffisantes, des mesures gouvernementales qui sapent la concurrence, etc. Ce qui montre que «le droit à lui seul n'est pas suffisant. Il faut avoir une bonne gouvernance économique», a lancé le responsable au CIDC. D'où la nécessité de sensibiliser les responsables des pays membres de l'OCI pour l'adoption de politiques de la concurrence pour faciliter l'intégration de leurs pays dans l'économie mondiale. A titre d'exemple, dans les pays n'ayant pas de droit de la concurrence, les multinationales adoptent des prix plus élevés que la moyenne mondiale. Pour M. Ridha Ben Mosbah, ministre du Commerce et de l'Artisanat, il est recommandé d'adopter une loi prospective de la concurrence inspirée de la loi pilote de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et l'Industrie (CNUCED). Il a ajouté qu'il est judicieux de réfléchir à la mise en place d'un programme de coopération technique dans le domaine de la concurrence entre les pays islamiques en coopération avec l'Organisation de la Conférence Islamique, la CNUCED et les autres organisations internationales spécialisées. Indiquons que ces recommandations sont les premières réflexions du premier jour du séminaire, qui regroupe près de 40 pays. Celui-ci se poursuivra jusqu'au 24 février 2010 et traitera des aspects juridiques de la politique de la concurrence et de l'expérience tunisienne dans le domaine.