Dans un ouvrage intitulé Les enseignements supérieurs professionnels courts : un défi éducatif mondial, Jacques MAZERAN, en collaboration avec William EXPERTON, Christian FORESTIER, André GAURON, Serge GOURSAUD, Albert PREVOS, Jamil SALMI et Francis STEIER, a fait le point sur ce domaine dans plusieurs pays y compris la Tunisie-, et ce depuis une quarantaine d'années. Tout d'abord, ils affirment dans la préface du livre que les enseignements supérieurs professionnels courts sont nés suite aux nouvelles contraintes imposées au monde industriel par les progrès technologiques. Ils ont accompagné la croissance économique des pays les plus industrialisés et de beaucoup de pays émergents. Mais ils doivent, aujourd'hui, relever des défis dans toutes les régions du monde. Ensuite, étant des facteurs d'adéquation à l'emploi, instruments de promotion professionnelle mais aussi culturelle, moteurs de développement économique, ces enseignements se situent au cur de l'évolution de nos modèles sociaux . Selon ses auteurs, cet ouvrage a pour objet de réaffirmer quelques principes, de proposer des hypothèses de travail et d'ouvrir des perspectives concrètes à plus long terme. Mais surtout, il pose sur ces enseignements un regard actualisé, global et objectif, mais non dépourvu de convictions revendiquées. Présentation des ISET Dans le chapitre consacré à l'expérience des ISET en Tunisie, il est notamment souligné que, à l'instar de la plupart des pays émergents, l'enseignement supérieur en Tunisie connaît une forte croissance du nombre de ses étudiants. On y apprend également que les effectifs de l'enseignement supérieur de la tranche d'âge 18/24 ans sont passés de 8 à 33% entre les années 80 et 2004/2005 ; ce taux est estimé aujourd'hui (2010) à plus de 45%. L'auteur de ce chapitre rappelle que la Tunisie a fait le choix des filières courtes. En 2004, environ 25% des étudiants étaient inscrits dans des cycles courts: ils devraient être 30% en 2006, tout en précisant que les formations courtes sont essentiellement dispensées par les Instituts Supérieurs des Etudes technologiques (ISET), mais aussi par des établissements universitaires, en particulier pour les formations paramédicales et pour les formations des maîtres. Les ISET ont été lancés au début des années 90 après qu'une étude ait démontré qu'il existait un déficit important de cadres intermédiaires estimé à 70% du marché du travail. Parallèlement, deux études avaient été menées pour analyser tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif les compétences recherchées par les entreprises. Créés officiellement en 1992, les ISET ont ouvert leurs portes en 1995. La mission des ISET est triple: la formation initiale des cadres intermédiaires, le perfectionnement et la formation continue de ceux qui sont en exercice, et la fourniture de services variés au milieu socioéconomique (expertise, etc.). Les ISET sont des établissements d'enseignement supérieur non universitaire. Ils relèvent du ministère de l'Enseignement supérieur mais ne dépendent pas de l'université. Pour autant, ces établissements ne fonctionnent pas en cercle fermé: ils entretiennent de très bonnes relations avec les universités, en particulier ils organisent des programmes d'échanges d'étudiants et d'enseignants. Ces établissements entretiennent également de très bonnes relations avec le milieu socioéconomique qui participe activement aux structures dirigeantes de ces institutions, et il est présent au sein des conseils scientifiques et des comités de direction, il participe à la définition et à l'évaluation des programmes de formation ; environ 30% des programmes sont assurés par des professionnels. Un nouveau corps d'enseignants a été créé pour intervenir dans ces structures: le corps d'enseignants technologues, qui sont des enseignants du supérieur non chercheurs. Cette organisation des ressources humaines est un élément central du dispositif. Il est demandé à ces enseignants d'avoir des compétences technologiques et pédagogiques, mais aussi d'avoir une connaissance approfondie du milieu socioéconomique. Les programmes de formation des ISET reposent sur des disciplines et des spécialités. Les spécialités sont regroupées au sein d'une discipline. Tandis que les disciplines sont pérennes, les spécialités peuvent évoluer suivant les besoins. Une même spécialité permet de former à plusieurs métiers: elle ne sert pas une fonction précise de l'entreprise. Ainsi, 75% des programmes sont définis à l'échelle nationale et 25% à l'échelle locale en fonction des spécificités de la région. La durée de formation est de 5 semestres, soit deux ans et demi. Les évaluations et les passages d'un niveau à l'autre se font à un rythme semestriel. Il existe deux flux d'entrée (septembre et février) et deux flux de sortie (février et juin). Comme toutes les formations à caractère pratique, les formations proposées par les ISET comprennent des cours intégrés, des travaux pratiques et deux stages en entreprise. Le dernier semestre est consacré à un projet de fin d'études. Il existe un système de passerelles qui permet à des étudiants d'accéder aux ISET après un passage à l'université, que ces premiers pas en université se soient soldés par un échec ou par une réussite. Auquel cas, des commissions de validation des acquis statuent sur les demandes pour rendre un avis de passage. A l'inverse, les lauréats des ISET peuvent accéder à des formations longues, dans les filières d'ingénieurs pour les disciplines techniques, ou dans les filières de gestion pour les disciplines tertiaires. Tandis que l'accès aux universités est presque exclusivement réservé aux bacheliers, l'ISET permet un accès plus large. En effet, les actifs en exercice ayant un niveau de 7ème année secondaire mais qui ont échoué au baccalauréat peuvent aussi accéder aux formations des ISET moyennant un concours et une formation dans les instituts supérieurs de promotion du travail. Ces formations peuvent être dispensées en cours de jour, en cours du soir ou à distance. Un premier bilan Après dix années de fonctionnement, on constate un développement très important des ISET. Entre 1995 et aujourd'hui, le nombre des étudiants est passé de 2.000 à 30.000, les enseignants de 150 à 2.200 et les établissements de 7 à 22. Le nombre des diplômés est passé de 800 en 1998 à 4 200 en 2004. Le taux de réussite de ces établissements s'élève à 85% tandis que le taux de rendement interne atteint 88%. Il faut préciser que le taux de rendement interne est calculé sur la base du suivi d'une cohorte d'étudiants depuis l'entrée jusqu'à la sortie du système. Suivant une étude menée il y a deux ans, 82% des diplômés des ISET ont trouvé un emploi six mois après avoir obtenu leur diplôme, 9% poursuivent des études supérieures longues tandis que nous n'avons pas d'informations pour les 9% restant. Une autre évaluation sur les résultats obtenus à la sortie de la formation est actuellement en cours de réalisation. On peut affirmer que les ISET jouissent aujourd'hui d'une bonne image extérieure tant auprès des autres structures de l'enseignement supérieur qu'au niveau des parents d'élèves, des élèves eux-mêmes et des industriels. Le niveau des bacheliers accueillis dans les ISET est de plus en plus élevé. Le nombre de candidats issus de l'université est également en forte augmentation. Cette forte demande conduit à mettre en place une ébauche de sélection à l'entrée des ISET. Cette formule remporte un succès certain auprès des entreprises. Celles-ci sont satisfaites des compétences techniques que nous mettons à leur disposition, même si des éléments restent encore à améliorer notamment s'agissant des outils de communication, de la gestion des ressources humaines et de l'esprit d'entreprise. La poursuite des études des lauréats des ISET dans les institutions d'enseignement supérieur est également satisfaisante tant dans les écoles d'ingénieurs que dans les maîtrises. Les entreprises utilisent également les ISET pour proposer des actions de formation continue à leurs salariés via la signature de conventions de collaboration. En outre, pour promouvoir l'esprit entrepreneurial, des pépinières d'entreprises ont été mises en place au sein des ISET. Il en existe 8 aujourd'hui. 5 autres sont en chantier. Ces 8 pépinières opérationnelles accueillent 50 anciens ou jeunes diplômés qui souhaitent créer leur propre entreprise. Le coût global d'une année de formation réussie dans une filière scientifique des ISET est inférieur au coût d'une formation réussie dans une autre filière scientifique. Le coût d'une formation réussie dans une filière tertiaire est voisin du coût d'une formation tertiaire de niveau maîtrise.