L'édition 2015 du pèlerinage est l'une des plus dramatiques dans les annales des Lieux Saints. Deux personnes tuées dans la bousculade meurtrière, douze pèlerins naturellement décédés, six Tunisiens portés disparus et vingt-sept blessés, c'est le bilan officiellement déclaré. Le problème de la communication a été pour beaucoup dans le désarroi général. D'autres problèmes d'une certaine gravité ont été soulevés par les pèlerins, soutenus par la société civile qui, à travers l'ODC et l'association d'assistance «Dhouyouf Errahmane» (les pèlerins), ravive la mise et essaye de combler le vide au niveau officiel. On va tout de suite savoir comment. Houleuses et douloureuses ont été les circonstances du déroulement du pèlerinage, édition 2015. Beaucoup d'encre et de larmes ont coulé cette année. Des facteurs à la fois exogènes et endogènes se sont conjugués pour précipiter le pire. Ailleurs, dans les Lieux Saints, une cascade d'accidents foudroyants et les plus meurtriers dans les annales du pèlerinage (avec un total de mille morts) ont transformé la plus grande fête islamique en un évènement on ne peut plus tragique. Pas de nouvelles... «mauvaises» nouvelles ! Ici, dans nos murs, c'est la déstabilisation quasi générale et la profonde crise en l'absence d'une cellule de crise. Oui, aucun noyau de liaison ni numéro vert n'ont été lancés pour tirer du flou des dizaines de milliers de familles, plongées dans l'angoisse et l'incertitude et tiraillées entre une multitude de rumeurs contradictoires et cacophoniques, en l'absence d'une voix officielle tranchante et sûre de ses dires. Les bribes d'informations officiellement fournies de temps à autre sont, elles aussi, souvent contradictoires, ajoutant de l'eau au moulin de l'incertitude et de la controverse... Aux abonnés absents ! Les médias locaux ont, pour la plupart, beau harceler la cellule de presse du département du culte, pour obtenir des nouvelles et connaître la vérité, ils n'ont fait hélas que tourner en rond, laissant le soin à facebook, twitter et compagnie d'altérer, de déformer et d'amplifier la réalité. Parce que ladite cellule était déconnectée de la réalité du terrain. Et on n'a rien fait du côté de ceux qui étaient à pied d'œuvre, sur le théâtre des événements, pour alimenter et mettre à jour la cellule ad hoc censée nous mettre régulièrement à jour. Ce qui a acculé le noyau de Tunis à virer les quêteurs de nouvelles officielles, sur des interlocuteurs, s'avérant aux abonnés absents, sur la piste et la puce saoudiennes, ayant peut-être leurs justes raisons. La société civile sauve la mise Pour notre part, nous nous sommes rabattus sur d'autres pistes, celles des organisations de la société civile, qui ont fait de leur mieux pour combler le vide créé par la partie officielle et jouer un rôle charnière entre le théâtre de la tragédie et celui de la démoralisante expectative. Sans oublier bien sûr de tendre l'oreille à un certain nombre de pèlerins. On nous avance aussi un chiffre définitif de douze décès naturels. Côté disparus et blessés, l'on recense respectivement six et vingt-sept cas. L'enquête que nous avons menée nous a permis de savoir que les grandes failles et anomalies oscillent autour de trois volets : – Les conditions d'hébergement tant à Mina qu'à Arafat – La mauvaise assistance des pèlerins et les prestations médiocres des personnes rétribuées pour encadrer nos «hajijs» et les aider à accomplir sans faille les rites du pèlerinage dans ses diverses étapes Les conditions de soins de santé au profit de nos pèlerins laissant à désirer. D'ailleurs l'Organisation de défense du consommateur (ODC) a décidé de lancer sa propre enquête au sujet des conditions de déroulement du récent pèlerinage, à effectuer à travers un sondage d'opinion, sur des bases scientifiques auprès de nos pèlerins. Le président de l'ODC, M. Slim Saâdallah, n'a pas manqué de nous exprimer sa profonde déception quant aux conditions pénibles et inadmissibles endurées par nos pèlerins. Et aussi, de réclamer l'implication de l'ODC, dans le futur, dans l'organisation du pèlerinage. Qui va à la chasse, perd sa place Pour ce qui concerne l'hébergement, l'on s'accorde à dire tant à l'ODC qu'à l'Association de l'assistance de «Dhouyouf Errahmane» (assistance des pèlerins), à travers son président, M. Adel Nacefi, que le département du culte a mis du retard pour la réservation des lieux d'hébergement. Ce qui a permis aux autres pays islamiques d'occuper les meilleurs hôtels, laissant les nôtres végéter dans des lieux s'apparentant à des «oukalas», plutôt qu'à des hôtels dignes de ce nom. Pourtant, on a promis au départ à nos pèlerins un séjour dans des hôtels quatre étoiles, tels que celui de Palestine. Remboursez! L'ODC, en éternel bouclier de nos bourses, réclame le remboursement aux intéressés de la différence des prix entre l'hôtel quatre étoiles et l'«oukala». D'ailleurs, beaucoup de nos pèlerins semblent déterminés à se faire justice par voie de droit, au cas où ils butteraient contre une fin de non recevoir de la part de l'administration. Quant au problème des tentes de Mina et Arafat, c'est le bouquet. Celles-ci étaient dans un état piteux. Ce qui a exposé les résidents, pour la plupart de vieilles personnes, à un soleil de plomb, là où il faisait cinquante degrés à l'ombre. Mme Zohra dit avoir été obligée d'enlever son tricot de peau pour se couvrir tant bien que mal la tête ! Charité bien ordonnée... Côté assistance, pèlerins et société civile s'accordent à dire que les assistants «ont été toujours absents là où ils auraient dû être présents». Ils étaient, prétend on, beaucoup plus absorbés par l'accompagnement et l'assistance de leurs parents, amis et voisins de quartier que par autre chose. Ils n'étaient guère prêts à tendre la main à ceux qu'ils ne connaissaient pas. La qualité de l'assistance médicale n'a pas, elle aussi, échappé aux critiques les plus acerbes de toutes parts. On reproche à l'équipe médicale d'avoir été très expéditive dans ses consultations, se contentant souvent de prescrire aux malades les plus sérieux des médicaments sans effet et des calmants à effet éphémère. Au four et au moulin ? Autre grief reproché à nos toubibs : leur refus de se déplacer pour consulter le malade là où il est. Sachant que celui-ci se trouve parfois dans un état critique, ne lui permettant pas de rejoindre les lieux de l'équipe médicale. Mais le problème, c'est que si les médecins vont se déplacer et satisfaire les uns, ils sont sûrs de léser et provoquer la colère des autres, n'ayant pu se faire soigner en ne trouvant pas de médecin là où l'équipe médicale est postée. Cela dit, qui beaucoup de questions seront posées au ministre des Affaires religieuses, Haj Othmane Battikh, dès son retour des Lieux Saints. Le ministre n'aura pas le temps de se reposer avec la pile de dossiers brûlants qui l'attendent. Dans les milieux officiels, l'on tente d'attribuer la vague de colère populaire provoquée cette année due à l'amplification des faits par une campagne dirigée contre la personne du ministre à qui on n'a pas pardonné le limogeage d'un certain nombre d'imams jugés fanatiques.