Le marché africain constitue, depuis des années, un grand potentiel pour le développement des exportations tunisiennes. A chaque rencontre où on parle de la dépendance des exportations vis-à-vis de l'Europe et de la nécessité de diversifier les marchés, l'Afrique est évoquée en tant que destination à développer pour exporter le savoir-faire et le produit tunisiens. Mais les paroles se transformeront-elles en actions? Mohsen Hassen, ministre du Commerce, semble en être convaincu: il insiste sur la nécessité d'attaquer le marché africain. «Les exportations tunisiennes sont en baisse, et nous devons développer davantage de nouveaux marchés», a-t-il affirmé lors de la 3e Matinale de l'export consacrée au thème : "Le secteur de la santé en Tunisie : quel positionnement en Afrique?". La rencontre était organisée avant-hier, 4 mars, au Salon des expositions du Kram par le Centre de promotion des exportations (Cepex), en marge de la manifestation Tunisia Health Expo. M. Hassen ajoute à ce propos que le secteur bancaire tunisien est appelé à soutenir les entreprises tunisiennes qui ont engagé des démarches en vue de s'installer en Afrique. Potentiel africain A cet appel, Son Excellence Al Obeid Ahmed Murawih, ambassadeur du Soudan en Tunisie, a répondu positivement, déclarant que son pays est prêt à accueillir toute banque tunisienne. «La Tunisie a des atouts qui ne sont pas présents dans d'autres pays. Il y a un grand potentiel en matière de coopération entre la Tunisie et le Soudan, en matière d'exportations des médicaments ou d'implantation d'usines et de sociétés», lance-t-il, ajoutant que le transport reste une lacune majeure. De son côté, Son Excellence Idrissa Bayo, ambassadeur de Côte d'Ivoire en Tunisie, a affirmé qu'il y a beaucoup à faire en Côte d'Ivoire; ce pays qui réalise un taux de croissance de 9% depuis cinq ans et qui vise à se classer parmi les pays émergents d'ici 2020. «La Tunisie reçoit les patients de notre pays. Mais nous souhaitons que les Tunisiens installent leurs laboratoires là-bas. La Tunisie n'est pas seule sur le marché ivoirien. Il y a le Maroc qui est en train de percer le chemin. Il faut que la Tunisie œuvre à établir des relations solides avec le Côte d'Ivoire», explique-t-il. Faiblesses Dans le secteur de la santé, la Tunisie est bien positionnée dans la région Mena, se classant à la 4e place, avec une valeur des exportations des services de santé de 490 MDT en 2013, selon Dr Samar Samoud, conseillère auprès du ministre de la Santé, affirmant que le moment est venu pour jouer un rôle de leadership dans la région. Bien que la Tunisie soit une destination santé bien développée, présentant une offre de soins variés, l'absence d'une stratégie de développement des exportations des services de santé constitue un blocage pour aller de l'avant. Le secteur de la santé fait face à plusieurs défis, essentiellement l'expansion du marché international, l'émergence de nouveaux exportateurs et la concurrence régionale agressive. La Turquie, la Jordanie et le Maroc sont des concurrents de gros calibre pour la Tunisie. Le Maroc, bien qu'il n'ait pas encore dépassé la Tunisie dans ce domaine, a mis en place une stratégie lui permettant d'aller de l'avant. Selon Dr Samoud, parmi les faiblesses du secteur, il y a l'absence d'une structure de coordination. Un point que le président de la Chambre syndicale des cliniques privées a lui-même soulevé, appelant à la création d'une direction générale de l'hospitalisation privée, à laquelle pourraient revenir les acteurs privés. La représentante du ministère de la Santé évoque aussi l'existence d'une communication non contrôlée et des insuffisances quantitatives et qualitatives au niveau des services comme faiblesses majeures dans le secteur. Elle indique que l'équation des exportations des services de santé repose sur deux axes: le service médical et les services annexes (touristique et de support), afin de couvrir toute la chaîne de valeur. Démarche participative Pour remédier à ces faiblesses, la nouvelle stratégie de développement des services de la santé, élaborée par le ministère, prévoit essentiellement un déploiement sur le marché maghrébin à court terme, et sur le marché de l'Afrique subsaharienne à moyen terme. Ajoutons à cela un renforcement de la formation et de la coopération avec les pays africains dans le domaine de la santé, le développement de la filière esthétique avec le marché européen et, enfin, un intérêt particulier accordé au marché des seniors européens. D'ailleurs, Dr Samoud annonce qu'un hôtel sera transformé en un établissement sanitaire pour la maladie d'Alzheimer et sera bientôt opérationnel. De son côté, Boubaker Zakhama, président de la Fédération nationale de la santé, a précisé que le développement des exportations des services de santé requiert une stratégie marketing efficiente qui suive l'évolution de la demande. «Nous sommes très dépendants du marché libyen et nous sommes appelés à nous ouvrir sur d'autres marchés et à développer nos services», affirme-t-il. M. Zakhama indique qu'il existe quatre axes sur lesquels il faudra travailler. Le premier axe est l'évacuation sanitaire par le renforcement du transport aérien. A ce niveau, la Compagnie aérienne Tunisair a ouvert une nouvelle ligne vers Khartoum (Soudan), dont le 1er vol est prévu pour le 17 avril 2016. D'autres destinations seront bientôt accessibles, à savoir le Niger et le Tchad. Les autres axes concernent la formation en intra et en extra, la télémédecine et le télédiagnostic et l'investissement en Afrique. En outre, M. Zakhama insiste sur l'importance d'une démarche participative pour le développement du partenariat pubic-privé. «Il ne s'agit pas seulement d'améliorer la qualité des soins, mais aussi de toute la chaîne de valeur», souligne-t-il.