Neji Bghouri a annoncé que le syndicat travaille sur un fonds de soutien aux journalistes en situation précaire « Il y a une stratégie de paupérisation des journalistes qui les rend vulnérables face aux lobbies et tend à les corrompre ». C'est par ces mots que le président du Syndicat national des journalistes tunisien a résumé la situation de la presse en Tunisie, à l'occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, célébrée hier, plus de cinq ans après le 14 janvier 2011. Néji Bghouri affirme qu'en dépit d'une amélioration du climat de la liberté d'expression, il n'en demeure pas moins vrai que le pouvoir de l'argent sale et la répression de certains patrons de presse se sont substitués à la répression du régime policier de Ben Ali. « La répression venait de l'extérieur, mais aujourd'hui la menace émane de l'intérieur, insiste Néji Bghouri. Des opérations de licenciement abusif de masse ont été constatés à Tunisna, à Hannibal TV ou encore au journal Ettounsia ». Le président du syndicat des journalistes dénonce également l'intrusion des forces de l'ordre au siège de Shems FM dans une tentative de casser la grève observée par les employés de cette radio dont l'avenir est incertain. De son côté, Youssef Oueslati, membre du bureau exécutif, a assuré que l'année écoulée, les agressions à l'encontre des journalistes se sont poursuivies. La présidence de la République, le gouvernement ou le parlement sont autant d'institutions qui, à un moment ou un autre, se sont rendues coupables de répression de la liberté de la presse. Un constat corroboré par le rapport annuel élaboré par le Snjt qui retrace l'ensemble des agressions contre les journalistes et la liberté de la presse. Ces agressions diffèrent par leur nature et leur forme. Le rapport met en évidence principalement deux formes : les agressions contre la liberté de la presse et les agressions à caractère économique et social. Dans la première catégorie, nous retrouvons notamment les représentants du pouvoir qui ont à plusieurs reprises empêché des journalistes de faire leur travail. Plusieurs journalistes ont également été traînés en justice en ignorant complètement les décrets 115 et 116 et en utilisant des textes du code pénal ou de la loi antiterroriste. Le rapport parle également de violences policières, militaires et même de citoyens. Selon le Snjt, la censure n'a également pas disparu, à l'image de celle subie par le caricaturiste Lotfi Ben Sassi ou encore l'attaque pirate subie par le site d'investigation Inkyfada au lendemain de la révélation de l'affaire Panama Papers. La deuxième catégorie, plus subtile, concerne l'aspect économique et social. En effet, les journalistes continuent à subir les licenciements abusifs et l'employabilité précaire. Le rapport recommande enfin d'accélérer la mise en place d'une loi consacrant la liberté de la presse et appelle les patrons de presse à jouer un rôle actif dans la protection des journalistes. Le président du Snjt a, à l'occasion, annoncé que des pourparlers sont en cours pour établir une convention, dont les contours n'ont pas été dévoilés, qui regroupe l'ensemble des opérateurs dans le secteur des médias. Neji Bghouri a ensuite annoncé que le syndicat travaille sur un fonds de soutien aux journalistes en situation précaire qui sera financé en partie par pourcentage des recettes de la publicité publique. Selon le président du Snjt, le gouvernement serait d'accord sur le principe. Les familles des journalistes disparus en Libye, Nedhir Ketari et Sofiène Chourabi, ont reçu le trophée de la personnalité de l'année décernée chaque année par le syndicat.