Par M'hamed JAIBI A Kerkennah, l'heure est aux bilans, aux index pointés et aux larmes grimées de tous bords. Le pari gagnant-gagnant a viré au «tous perdants», au départ de la seule vraie entreprise productive de l'archipel. L'île des syndicalistes a eu sa «victoire syndicale» : 250 familles au chômage ! Pourtant, la raison a dû prévaloir dans l'esprit de chacun, à titre posthume : à qui profite donc l'«escalation» de Petrofac ? Qui sert de vil repoussoir aux investisseurs les plus zélés. Le leader de la centrale syndicale le reconnaît enfin, solennellement : «Les protestataires de Kerkennah ne font pas partie de l'Ugtt», ajoutant que celle-ci n'a rien à voir avec ce qui se passe dans l'île. «Au contraire, nous sommes lésés ! Les employés de Petrofac qui sont syndiqués se retrouveront au chômage si cette entreprise quitte définitivement le pays»... «il n'est de l'intérêt de personne qu'elle quitte le pays». De sages propos tardifs longtemps sacrifiés à l'autel du populisme. Mais l'Ugtt n'est pas seule à laisser faire la rue, à justifier ou «comprendre» l'inacceptable : le sabotage de la production, le blocage des routes, l'hystérie des sans-emploi empêchant sciemment leurs congénères de travailler, les destructions de matériel, les violences, les refus d'obtempérer... Près de six ans après la révolution, il est enfin clair que la complaisance n'a pas payé. Que le surplus de croissance qu'elle revendiquait, que l'équité de développement qu'elle attendait, que le plein emploi qu'elle souhaitait... ont été trahis par ceux qui les scandaient. Et tous ceux qui ont justifié, compris ou laissé faire. Dont l'Etat et les entreprises. A l'image de Petrofac qui a fourni un scanner à l'hôpital de Kerkennah, puis un échographe et même toute une salle d'opérations. Petrofac qui, sous la «pression des masses populaires», a ensuite construit une presse à olives performante pour la région, puis fourni des ordinateurs à toutes les écoles, avant de soutenir 200 jeunes dans le lancement de leurs propres projets. Mais les «empêchés de travail» demandaient davantage, toujours davantage, jusqu'à revendiquer 10 milliards de millimes pour leurs «œuvres sociales» voire 20% des bénéfices au profit de la zone d'extraction. D'où l'impératif d'un retour au sérieux de la rigueur républicaine. Car une fois séchées les larmes des regrets posthumes, l'heure doit être au rationnel des chiffres. Ceux des bilans catastrophiques qui s'alourdissent, ceux du manque à gagner de la croissance non assumée, ceux que les investisseurs constatent avec amertume et qui les poussent à s'en aller vers des cieux accueillants. En un moment crucial où le pays met toute sa foi dans un gouvernement d'union déterminé à rétablir sa crédibilité.