Dans ce condensé, Taoufik Jebali a résumé l'essentiel de son œuvre. Point de nostalgie ni d'autocélébration cependant dans ce voyage dans le temps, mais de la bonne humeur et de l'autodérision. Après avoir assuré l'ouverture de la 53e édition du festival international de Hammamet, voila que la pièce de Taoufik Jebali «Trente ans déjà», en arabe, «Thalathin wena hayer fik» revient pour être représentée chez elle, à «El Teatro» , les 30 novembre et les 1er et 2 décembre. Devant une salle comble et une ambiance festive à la veille du Mouled et d'un jour férié, les Tunisiens se sont donné rendez-vous jeudi soir pour faire honneur à une œuvre et non des moindres, puisqu'elle représente une rétrospective du parcours du dramaturge Taoufik Jebali, et ce de 1987 à 2017. Il s'agit d'une deuxième version plus resserrée que la première représentée à Hammamet qui avait réuni alors plus d'une centaine de comédiens. Dans une conception et mise en scène de Taoufik Jebali, assisté par Naoufel Azara et Walid Ayadi, des artistes amateurs, toutes générations confondues et pour la plupart formés dans le studio d'El Teatro, ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Ils ont joué tour à tour les moments forts des pièces comme «Klem Ellil», «Houna Tounes», les voleurs de Bagdad, contre X, Femtella. Mais pas seulement, des scènes connues du public qui ont titillé sa mémoire en faisant un clin d'œil au passé s'alternaient avec d'autres actes de représentations inédites. La lumière a été un élément fort et distinctif On retrouve les leitmotivs du dramaturge qui ont constitué les fils conducteurs de tout son théâtre ; une satire de la société permettant d'agrandir les défauts et les vices des Tunisiens, une critique ouverte de la presse, de la télévision et de certains milieux professionnels. La mise en scène des maux qui minent la société tunisienne, comme «la hargua» , l'immigration clandestine, l'immolation par le feu, la corruption, les pratiques illicites banalisées ou encore l'amour du pouvoir sont également invoqués pour être scénarisés. L'usage des jeux de mots, en se basant sur une parfaite maîtrise du dialecte tunisien qui représente indéniablement la marque de fabrique de Taoufik Jebali, a été encore une fois mis à l'honneur. Ainsi, la médisance, le mensonge et l'hypocrisie sont caricaturés moyennant plusieurs supports artistiques ; la musique, la danse, la gestuelle et surtout par la force du verbe. Du coup, une drôle d'ambiance s'était installée à laquelle s'ajoute la promiscuité de l'espace. Pris dans un mouvement de va-et-vient déroutant avec une scène proche, le public a réagi, ri et applaudi. Parfois même, les comédiens convertis en narrateurs subtils et avisés de fragments de vie, se sont mêlés aux spectateurs pour les interpeller presque frontalement et les impliquer dans leur jeu. Dans un décor minimaliste qu'impose le genre, puisque nombre de pièces sont jouées à la fois, plusieurs scénographies sont représentées. Ce sont cependant les costumes des acteurs riches et diversifiés qui ont donné le ton. La lumière a été un élément fort et distinctif d'un spectacle qui se veut harmonieux malgré sa diversité thématique. Dans ce condensé, Taoufik Jebali a résumé l'essentiel de son œuvre. Point de nostalgie ni d'autocélébration cependant, dans ce voyage dans le temps, mais de la bonne humeur et de l'autodérision. Entre blagues salées, proverbes, expressions courantes et allusions érotiques, les élections municipales, le football, les mœurs politiques et sociales sont mises en scène, racontées et parodiées dans une œuvre qui réunit trente saisons artistiques, et, pour tout dire, résume trente ans d'une vie.