Par Khaled TEBOURBI La querelle a donc chauffé entre les syndicats de journalistes et de l'information et El Hiwar. On en est arrivé à «s'envoyer au diable». A se bombarder de «communiqués». C'est rare en démocratie où les bases syndicales sont par principe sur la même ligne que leurs élus. En temps de transition démocratique, des «brouilles» peuvent survenir, mais pas à ces degrés de hargne, d'intensité, de férocité. Les faits sont connus. Les raisons, peut-être, un peu moins. Le Snjt et le Sgi ont dénié à El Hiwar tout «statut légal», et accusé son directeur Sami El Fehri de «corruption».Conséquence : ils leur ont refusé de prendre part à la discussion du nouveau projet de loi sur l'audiovisuel. Sami El Fehri, ses administrateurs et, quasiment, tout le personnel d'El Hiwar ont rétorqué, eux, que la chaîne est «parfaitement en règle», et que pour ce qui est de l'affaire de «Cactus prod» et des «montants dus à la télévision publique», c'est seulement à l'instance judiciaire en cours «d'en juger» et «d'en décider». A-t-on abusé des droits d'El Hiwar et de ceux de Sami El Fehri ? Vraisemblablement, oui. La chaîne a autorisation de la Haica, et diffuse en toute conformité, voilà près de cinq ans. Quant à Sami El Fehri, il est seulement «sous recours», personne, encore, ne peut lui opposer d'interdit. La position du syndicat des journalistes et du syndicat général de l'information était (est), de ce fait, sans assise juridique. «Réactionnelle», «passionnelle», a-t-on pu dire. Précipitée, à tout le moins. On choquera, maintenant, mais on lui trouve, nous, des justifications. D'éthique, celles-là. Droit n'est pas forcément équité. Et si l'Institution représente la norme (la règle générale et absolue), elle ne se confond pas toujours avec justice ou vérité. Reconnaissons, après tout : le fait qu'après l'éviction d'une dictature noire, on se retrouve «démunis» devant d'ex-«supports» n'est pas chose à inciter à la modération. De ce point de vue, la réaction (l'impulsion, la colère, voire) des syndicats se comprend bien. La mainmise de Belhassen Trabelsi et de ses associés (hommes à tout faire) de «Cactus prod» sur la production et les équipements de la télévision nationale est un secret de polichinelle aux yeux de tous les Tunisiens. En retarder la mise à nu, l'entourer d'un «halo de procédure», «donner à souffler à ses suspects» au motif du sacro-saint principe de «présomption d'innocence», c'est, au final, narguer le sentiment du juste chez la population. A fortiori chez la minorité journalistique militante (dont les chefs syndicalistes actuels) qui observa et endura plus que tout les affres et les sévices du régime déchu. Oui, le Snjt et le Sgi ont dû manquer à la norme. Oui, ils ont dû causer du tort à El Hiwar et à Sami El Fehri. Oui, mais dans cette affaire «d'argent douteux» et de «procès à la traîne», réfléchissons bien ensemble : qui a vraiment raison ? Le malhabile qui plaide la justice, ou l'impassible qui s'accroche à la légalité ?