Par Abdelhamid GMATI La Tunisie va mal, très mal... elle ne s'est jamais portée aussi mal ! «On atteint les limites de l'effondrement, du chaos ». C'est l'ancien ministre Mahmoud Ben Romdhane qui fait ce constat, s'appuyant sur les chiffres: « Les dépenses publiques en Tunisie ont atteint 46.5%, ce qui représente un record mondial pour les pays en voie de développement. Le nombre additionnel de fonctionnaires, de 2011 à 2017, est de 197 000 agents, inutiles. L'augmentation salariale dans la fonction publique a engendré un déficit budgétaire de 6.1% en 2017 et un déficit courant de 10%. 80 jours de réserves en devises au 2 mars 2018. Une majoration des salaires de l'ordre de près de 8% par an, pour près de 0% de production. Une dette de plus de 70% du PIB. Des stocks de devises d'à peine 78 jours d'importation. Perte de 9.1 milliards de dinars de valeur ajoutée de la filière du phosphate, situation similaire pour le secteur énergétique. Les événements du Kamour ont coûté 925 millions de dinars; à Kerkennah les pertes sont de 400 000 dinars par jour sur plusieurs mois. La BFT risque de coûter plus que 500 millions de dinars, peut-être de un milliard de dinars » etc. Plusieurs économistes font un constat similaire. Le citoyen lambda, lui, ne se complaît pas dans les chiffres. Il vit mal et se débat avec un pouvoir d'achat sans cesse en baisse, des prix de plus en plus inaccessibles, une aggravation du chômage, la saleté des agglomérations, la corruption ; bref, un mécontentement permanent. Et il se pose des questions : «Qui est responsable de cette situation catastrophique ? ». Et chacun donne son avis selon son information. On pointe du doigt les milliers de recrutements de gens inutiles, donc incompétents. D'autres responsabilisent l'ensemble de la classe politique, avide de pouvoir mais n'ayant aucune expérience des affaires de l'Etat. En somme, ils dénoncent l'incompétence. Le président de l'Utica, Samir Majoul a été direct dans son analyse le 5 mars: « Le pays a un besoin urgent d'une bonne gouvernance. Nous demandons à ce que les meilleures compétences nous gouvernent. Est-ce qu'on a laissé le chef du gouvernement former librement son équipe ? Il faut aussi comprendre l'importance du respect, du dialogue et le fait de laisser les meilleurs d'entre nous diriger». Mahmoud Ben Romdhane estime que « chacun tire de son côté. Le corporatisme fait perdre beaucoup d'argent à l'Etat en plus du coût du terrorisme direct (2 milliards de dinars) et indirect (tourisme...)». Pour Samir Majoul, «il faut savoir qu'il y a des dossiers bloqués dans tous les ministères. Le secteur privé est en quelque sorte bloqué. Je ne comprends pas comment des gens peuvent entraver un projet. Seul un ministre, le chef du gouvernement ou encore le chef de l'Etat peuvent bloquer». Mais si une certaine incompétence découle des suites de la révolution, il en est une autre qui est engendrée par certaines nominations. Ainsi en est-il de plusieurs syndicalistes, qui, se trompant sur leur rôle et leur importance, ont atteint leur degré d'incompétence, selon le Principe de Peter. Rappelons que, selon ce principe, « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence » et que « avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité ». Comment expliquer qu'un syndicaliste de l'enseignement secondaire défie le ministre de l'Education et fait fi de ses décisions ? Ses menaces sont un signe de son incompétence. Jeudi dernier, réunion du bureau de l'Assemblée des représentants du peuple pour statuer sur la question de la prorogation du mandat de l'Instance Vérité et Dignité. Un député d'Ennahdha a protesté contre une «violation manifeste de la loi», estimant que le vote du bureau de l'ARP est «contraire à la loi instituant l'IVD, car ladite loi permet ouvertement à l'instance de prolonger ses activités sans en référer au parlement». Rectification du juge administratif Ahmed Souab qui rappelle que selon l'article 18 de la loi de la justice transitionnelle l'instance doit « soumettre au parlement la décision de sa prolongation d'activité ». Voilà un député qui a atteint le degré d'incompétence. On pourrait citer plusieurs cas de ce genre. Et il n'est pas exagéré de dire que plusieurs maux tunisiens sont causés par des personnes ayant atteint leur degré d'incompétence.