Un mégaprojet avorté est sujet à polémique jusqu'à nos jours et continue à alimenter les discussions. Il a été présenté sous la bannière d'un consortium d'actionnaires espagnols, autrichiens et slovaques. Gafsa, ville des paradoxes : la cadence de la production s'est ralentie alors que la région dispose de grandes potentialités de développement. Et pour preuve, le nombre des unités industrielles dans le gouvernorat a connu une croissance indéniable suite au soulèvement de Redeyef en 2008, ce qui a permis de réduire, un tant soit peu, le taux de chômage dans un gouvernorat laissé pour compte. Mais la période post-révolution a fait subir un coup de frein au développement du tissu industriel, accentuant ainsi cette crise qui ne fait que s'aggraver en amont et en aval. Cette situation est-elle une conséquence inéluctable du changement du régime politique ? Malaise des établissements industriels Une question pertinente doit trouver une réponse convaincante : où en est la création de postes d'emploi dans ces contrées ? Peu importe la réponse. Mais voyons, d'abord, l'état des lieux du marché du travail qui n'incite guère à l'optimisme. En effet, les sit-in et la vague de protestations sont autant de maux qui renseignent sur le malaise des établissements industriels, ce qui a obligé, par conséquent, certains chefs d'entreprise à mettre la clé sous la porte pour transférer leurs unités ailleurs. Rappelons que le fabricant nippon de câbles «Yazaki» avait fermé son unité de production à Moularès en décembre 2011, reléguant ainsi 480 ouvriers au chômage. Celle de Métlaoui avait connu le même sort en juin 2011 suite aux incendies qui ont ravagé la région, contraignant 500 agents à l'arrêt de travail. Il y a aussi le calvaire observé dans la zone industrielle de Gafsa, suite à quoi, l'investisseur nippon a réduit le nombre d'ouvriers de 1.800 à 1.100 à un moment où il s'apprêtait à recruter davantage pour atteindre la barre de 5.000 ouvriers. Idem pour le fabriquant de textile «Khmaïsa» qui a fermé son usine basée à Mdhilla. Nous enchaînons avec cette phase cruciale post-révolution au cours de laquelle le e-commerce fut sensiblement affecté avec la fermeture des call centers de Métlaoui et Redeyef qui employaient 400 jeunes parmi les diplômés du supérieur. Deux centres d'appels prévus à Mdhilla et Moularès n'avaient pas pu ouvrir leurs portes. Mais force est de dire que l'image n'est pas aussi noire que les chiffres le laissent entendre. Une lueur d'espoir Une note rose était venue apporter une lueur d'optimisme, certes, mesurée : l'usine 2 du Groupe chimique tunisien (GCT) à Mdhilla est dotée d'une capacité d'emploi de 400 postes et qui a nécessité l'investissement colossal de 470 millions de dinars. De son côté, un fabricant italien de prêt-à-porter a consolidé sa présence dans la région par l'ouverture de 5 nouvelles unités, portant ainsi à 21 le nombre de fabriques. Le pôle de développement de Gafsa se place, quant à lui, sur une courbe ascendante à travers l'aménagement et la restauration d'une plate-forme de 400 m2 sise à la zone industrielle d'El Aguilla. La ville de Métlaoui a vu l'installation d'un investisseur tunisien qui a ouvert son unité d'équipements sanitaires. D'ailleurs, il est le seul à mettre le cap sur le bassin minier après le soulèvement du 14 janvier. Mais il fut contraint d'arrêter sa chaîne de production en janvier 2015, faute de gaz naturel. L'énigme qui ne trouve guère de réponse est inhérente au mégaprojet «Protun : promotion Tunisie» (240 millions de dinars pour 11 projets offrant 4.000 postes d'emploi directs et 5.000 indirects), accueilli avec une grande liesse dans le gouvernorat, mais qui est resté lettre morte sans pour autant en connaître les causes. Dommage, un tel projet aurait permis de baliser la route aux jeunes diplômés pour des lendemains meilleurs. Et pourtant, un contrat de partenariat a été paraphé dans le temps entre le ministère de l'Industrie et plusieurs investisseurs étrangers qui s'étaient rendus dans la région pour fructifier des contacts avec les intervenants locaux (CPG, Frdcm et pôle de développement). Un consortium d'actionnaires étrangers Ce mégaprojet, sujet à polémique jusqu'à nos jours et qui continue à alimenter les discussions, a été présenté sous la bannière d'un consortium d'actionnaires espagnols, autrichiens et slovaques. Cette visite n'a pas connu de suite mais démontre, cependant, les opportunités qu'offre le bassin minier pour favoriser l'implantation des entreprises. Selon l'Autrichien Jurgeen Klaus Latorov, président de la délégation européenne de Protun, «les mesures fiscales et juridiques ne peuvent que réconforter les investisseurs. Le choix fixé sur cette région est argumenté aussi par la diversité biologique et la main-d'œuvre à disposition». La CPG aurait pu se soulager d'un lourd fardeau qu'elle a relativement supporté durant de longues années pour se transformer en un partenaire effectif et direct dans l'implantation de ces entreprises, tout comme le Frdcm, le pôle de Gafsa et la Conect. Ce mégaprojet avorté dans sa phase embryonnaire a suscité le désagrément des citoyens de la région, qui n'ont jamais compris la raison de sa disparition. Certains responsables ont mis en cause les revendications sociales qui ont découragé les investisseurs. Mais la responsabilité de l'échec est partagée avec d'autres acteurs qui se reconnaîtront.