Une famille en proie aux conflits et à une question originelle placée dans les temps modernes. Chacun a ses raisons pour repousser l'extrémisme religieux, surtout quand on est touché de près. Meryam Joobeur en parle dans son court-métrage en compétition officielle «Ikhwène» ou «Brotherhood». Dans un village éloigné, une mère aimante et combattante (Salha Nasraoui) est de plus en plus en désaccord avec son mari, berger (Houcine Grayaâ). La raison en est le retour du «djihad» de leur fils aîné, Malek, accompagné d'une jeune épouse en niqab et enceinte. Une bombe à retardement au sein de cette famille dont la chair se décompose et se recompose dans la difficulté. Après le retour de Malek, la mère tente de recoller les morceaux. Elle fait face à un mari et père obstiné, qui se range du côté de l'incompréhension et de la provocation. Entre les deux, le fils aîné et sa femme qui refuse de se dévoiler, et les deux jeunes frères de Malek, en perte de repères. Un portrait accablant pour l'institution «famille», qui serait directement ou indirectement la cause de la perdition de génération après l'autre. Meryam Joobeur l'invite en tout cas à se remettre en cause et à se poser des questions. Pays, parents, qu'avez-vous fait ou que n'avez-vous pas fait pour vos enfants ? La mise en scène de «Brotherhood» traduit ce questionnement à l'image. Avec un parti pris de gros plans sur les visages de ses personnages tout d'abord, magnifiques et expressifs dans la retenue et la sobriété. Dans les décors, ensuite, et surtout dans la composition de l'image, et là où elle place les corps de ses personnages dans le cadre, au milieu de l'espace. La nature est déterminante dans l'écriture de «Ikhwène», un personnage qui prend le ton et exprime la gravité et les non-dits des humains. Il y a ce vent qui souffle sans interruption et qui défie les corps, les vagues qui se déchaînent face à l'incertitude des hommes, et ce soleil qui ne reste jamais assez longtemps. Tous sont témoins du sacrifice dont fait objet Malek, devant l'incompréhension d'un père qui décode mal les messages des cieux.