Trois femmes tunisiennes ont présenté leur parcours exceptionnel Les princesses nunuches qui pleurent en attendant le prince charmant, c'est fini même dans l'univers Disney. Aujourd'hui, elles sont courageuses, indépendantes, volontaires, prennent leur destin en main, et si prince il y a, partent à sa conquête. Belle, Tiana et Merida sont des amazones, des walkyries, et sans perdre grâce et beauté, ont décidé que le monde leur appartenait. Alors, oui, l'univers de Disney a bien changé. Et si le prince charmant est toujours là, il n'est plus la clé de la liberté, ou le soutien du pouvoir. Les princesses de Disney sont désormais des figures «inspirantes» comme on aime à dire aujourd'hui. Elles sont des modèles pour les petites filles, les princesses de demain. Dans le cadre du Festival Disney, si attendu et si suivi à Tunis, et sur le thème joli de «Crois en tes rêves princesse», une table ronde offrait la parole à trois femmes venus d'horizons divers, mais ayant toutes un parcours valeureux, professionnel et humain. Elles ont toutes joué le jeu, se sont racontées sans réticence aucune, ont évoqué leur parcours, livré les clés de leur réussite, et bien sûr, offert des conseils aux futures princesses. Naziha Laâbidi : assurer le bonheur et la dignité des enfants et de la famille Il y avait là Naziha Laâbidi, ministre de la Femme, de la Famille, de l'Enfance et des Seniors, Ouided Bouchamoui, past présidente de l'Utica, et Prix Nobel, Habiba Ghribi, championne du monde et championne olympique de course de fond. Il était émouvant d'écouter ces femmes qui se sont imposées à la force du poignet dans des univers éminemment masculins, que ce soit la politique, le business ou le sport, évoquer leur enfance, leurs difficultés, leurs espoirs, leurs victoires, mais aussi quelquefois leurs défaites. Elles viennent de milieux différents, populaires ou aisés, cultivés ou simples. Naziha Laabidi a été bercée par les contes de Zazia el Hilalia que lui racontait un père, rêvant d'en faire «quelqu'un d'important». Un père qui ne cessait de lui répéter : «L'avenir est dans le stylo». Emigrée avec sa famille, militante très jeune en tant que représentante des étudiants nord-africains, convaincue que l'important était ce que l'on pouvait apporter aux autres, elle travailla en tant qu'interprète dans les hôpitaux et les tribunaux. Confrontée à la douleur et à la souffrance de femmes et d'enfants émigrés, elle rêvait de devenir juge pour les enfants maghrébins. Elle fut professeur, ce qui était une autre façon d'aider les enfants à vivre. Se donnant pour valeurs essentielles l'intégrité, la confiance mutuelle, le respect de soi et de l'autre, elle a pour objectif, à travers son action, d'assurer le bonheur et la dignité des enfants et de la famille. Ouided Bouchamaoui : rigueur, intransigeance et travail sans relâche Ouided Bouchamaoui est née dans le milieu du business ce qui n'augurait pas pour autant un parcours aisé. Un père qui travaillait 18 heures par jour, et qui n'a rencontré ses professeurs que l'année de son bac. Mais un père exigeant, qui la créditait d'un capital de confiance dont il fallait être à la hauteur. Un père qui inculquait à ses 7 enfants les valeurs de modestie, de respect, d'écoute, et surtout un amour inconditionnel et sans contrepartie pour leur pays. Et qui, lorsqu'elle intégra l'entreprise familiale, après un long cursus d'études les plus pointues, de stages les plus performants, la plaça tout en bas de l'échelle «pour apprendre le métier». Elle apprit, travaillant sans relâche, ignorant les week-ends, ne sachant pas ce qu'était la séance unique, et se retrouva à la tête de l'Utica sans l'avoir vraiment voulu. Comme elle ne savait que bien faire les choses, elle se prit de passion pour cette nouvelle mission, sillonnant trois fois les 24 gouvernorats en une période de tension exacerbée, affrontant campagnes de diffamation, intimidations, menaces, coups bas, luttant pied à pied pour rendre son honneur à une classe d'hommes d'affaires diabolisée, changer l'image du patronat et en faire une source d'inspiration pour les jeunes. Oubliant au passage qu'elle était une femme, pour ne se souvenir que du chef d'entreprise rigoureux, intransigeant sur la droiture qu'elle avait toujours été. Habiba Ghribi : «Tu veux être gamoudia?» Habiba Ghribi vient des campagnes entourant Kairouan. Elle devait parcourir 9 km tous les jours pour aller à l'école, ce qu'elle faisait au pas de course, seul moyen qu'elle connaissait pour se déplacer. Si cela étonnait les voisins, cela n'étonnait guère son père qui, lui, n'hésitait pas à franchir 60 km pour aller voir Gamoudi courir à la télé. Quand sa fille, remarquée par un entraîneur, lui avoua qu'elle voulait «courir», et qu'elle pensait pouvoir un jour être la meilleure, il lui demanda : «Tu veux être gamoudia?». Habiba Ghribi le voulait très fort. Si fort qu'elle eut le courage de quitter une famille à laquelle elle était très attachée. D'affronter difficultés et humiliations, de travailler sans relâche. Puis, découragée par l'absence de conditions nécessaires, sollicitée par un club étranger qui, lui, les lui offrait, elle partit pratiquement en cachette, au grand dam de son coach. «Je crois que j'aurais pu être championne olympique avant 2012 si j'avais trouvé les conditions nécessaires». Alors tout va très vite. Les victoires se suivent. Sa première médaille, elle la dédie à la femme tunisienne au lendemain de la révolution. Cette histoire, elle veut la partager. Et prépare un livre à cet effet. La dernière princesse, surprise inattendue, était la jeune Yoldos, 14 ans, médaille d'or du championnat arabe de karaté. Une jeune battante, jolie, drôle, déterminée. Mais aussi, histoire de génération peut-être, la seule de ce quartet de femmes fortes qui, toutes, glorifiaient et sacralisaient l'image du père, à mettre en avant l'image de sa mère qui l'a orientée, encouragée, poussée, soutenue tout au long de son jeune parcours. Bravo les princesses.