A l'occasion de la Journée internationale des droits de l'homme, le film suisse «Ordre Divin» de Petra Volpe a été projeté au cinéma Africa en présence de la réalisatrice. Une comédie dramatique qui décrit une page triste de l'histoire helvétique filmée avec maestria. Nous sommes dans un petit village suisse dans les années 70 où vit Nora, une jeune femme mariée et mère de deux enfants qui mène une vie rangée qui obéit aux traditions suisses où ce sont les hommes qui font la loi et où la femme n'a pas le droit de travailler ni de voter. Un jour, et à l'occasion d'une virée à Zurich, Nora fait connaissance avec des femmes qui militent pour le droit au vote. C'est juste à cet instant qu'elle prend conscience que le vote des femmes est un droit qui doit être défendu et que les femmes ont également le droit de découvrir leur corps et d'accéder à l'orgasme avec leur conjoint. Depuis ce jour, Nora décide de militer pour le droit des femmes au vote et à l'existence tout court dans un monde machiste qui a organisé un contre-mouvement qui milite pour la non-«politisation de la femme». Mais le tout est présenté sous forme d'une comédie très subtile bien écrite, montée avec un rythme fluide et plein d'entrain. Sur le plan de l'écriture également, on peut parler de succès, puisqu'à aucun moment le film ne tombe dans le discours féministe, un piège où plusieurs films sont tombés. Une parfaite maîtrise à la fois du drame et de la comédie et un équilibre très difficile à trouver. Notons que le film, sorti en 2017, a comptabilisé un demi-million d'entrées dans le monde. Un chapitre de l'histoire suisse que peu de gens connaissent et que la réalisatrice Petra Volpe a tenu à mettre à jour. Les femmes suisses ne sont passées aux urnes que très tard (1971) et après une lutte acharnée contre un esprit helvétique très conservateur. Un film qui nous fait découvrir une Suisse profonde et qui met l'accent sur une vérité souvent oubliée : le personnel est toujours lié au politique. C'est pour cela que l'être humain doit prendre en compte son droit au bonheur et au plaisir avant de mener un combat politique. Une image peu connue de l'Occident que Petra Volpe ose mettre à l'écran et qui en parle dans un débat animé par Kamel Ben Ouanès. «Avant d'écrire ce film, j'ai fait énormément de recherche sur l'histoire en Suisse, dit la réalisatrice, et à mon grand étonnement, ce chapitre de l'histoire des femmes qui ont lutté pour le droit au vote ne figure que sur quelques lignes dans nos livres. Comme si l'histoire avait honte de cela ! Les femmes en Suisse ont lutté pendant une centaine d'années pour avoir ce droit. A l'école, on n'apprend pas cela, et c'est vraiment dramatique. On n'existe pas dans nos livres ! Si les femmes ont tenu à voter, c'est parce qu'il fallait changer les lois. La femme ne pouvait pas travailler sans l'aval de son mari et ne pouvait pas avoir un compte bancaire jusqu'en 1985 ! Une femme ne pouvait recevoir son salaire que sur le compte de son mari». «Ordre divin» est un film qui décrit un moment important dans l'histoire des luttes des femmes pour l'accès à leurs droits, mais à notre sens il doit son succès à son extraordinaire traitement artistique sur le plan de l'écriture d'une comédie dramatique.