Par Alya HAMZA La révolution a été trop belle, et ne serait-ce que par respect pour ceux qui l'ont faite, et qui y ont laissé leur vie, ne la laissons pas devenir n'importe quoi. On a voulu, bien sûr, n'en voir que les meilleurs aspects : cette formidable énergie, cette superbe solidarité, la parole déliée, et la liberté conquise. Mais ma liberté, justement, s'arrête là où commence celle d'autrui. On a accepté tous les débordements, en se disant que c'était saine catharsis. On a écouté toutes les logorrhées en admettant qu'il fallait bien que la parole exulte. On est passé sur les délations, les chasses aux sorcières, les mesquineries, les veuleries, en espérant que ce n'était qu'éruption momentanée, et qu'on allait vite raison retrouver. On a même fait taire notre agacement en voyant la rue, et non pas le peuple, s'instaurer en tyrannique sélectionneur de nos dirigeants, et déstabiliser ministres, gouverneurs, commissaires, et p.-d.g., quand ils ne sont pas chassés comme des malpropres par une foule en furie qui a perdu tout respect pour la hiérarchie, les règles, les structures, le pouvoir, et qui, hélas, ne le retrouvera probablement jamais. On a entendu, sidérés, les hôtesses de l'air, surpayées à mon avis, au regard de la qualité de services qu'elles offrent, condamner «sévèrement» le ministre de l'Intérieur venu leur rendre visite. On a accepté que dans ce carnaval, les rois deviennent fous, et les fous deviennent rois. Mais maintenant, ça suffit. Avec cet épouvantable acte de barbarie dont a été victime ce prêtre polonais, on a franchi une ligne rouge, et l'on prend peur. La fête a basculé, et l'on se dit que désormais, tout est possible. Alors, une fois encore, maintenant cela suffit. Que le pouvoir soit fort, que l'ordre revienne, que la peur recule. Que l'on puisse aller travailler sans avoir la peur au ventre, que nos enfants aillent à l'école en toute sécurité, que l'on n'ait pas d'appréhension à sortir le soir, que l'on cesse de guetter les bruits des hélicoptères, et d'avoir le cœur battant au moindre coup de sonnette. Qu'on nous donne des dirigeants qui remettent le pays en marche sans vouloir l'impossible, c'est-à-dire plaire à tout le monde. Que l'on dise que c'est comme ça et pas autrement puisque le pays est en état d'urgence, que le pays est en danger, que les investisseurs le quittent ou n'y viennent plus, et qu'il y a péril en la demeure. Rendez-nous la crainte du gendarme, le respect du bien d'autrui, le sens de la hiérarchie, l'obéissance aux lois et aux règles. Car l'homme étant ce qu'il est, toute société qui n'a pas de règles ne serait qu'utopie.