Par toutes ses formes, ses modalités et ses procédés, le théâtre est, comme disait Schiller, « une institution morale » fort noble. Il est incontestable de reconnaître la dimension didactique et éthique du Quatrième Art qui nous fait percevoir les conditions, les situations et les changements éventuels de l'être dans la cité. Cet effet de projection a été encore une fois entrevu, grâce à la nouvelle pièce de théâtre de Jaâfar Guesmi «Richard III, court-circuit», présentée en première, avant-hier à la salle Le Mondial. Avec cette nouvelle pièce, le metteur en scène a choisi l'inexactitude historique et chronologique. Il a montré un fervent désir de court-circuiter toute structure et tout lien qui peuvent traduire la fameuse continuité logique de l'unité du temps, du lieu, de l'espace, de la fable, etc. On a donc deux histoires qui sont, a priori, fragmentées et qui font créer un pur court-circuit, comme le titre l'indique : la première concerne une famille dont les conflits sont provoqués par les monstruosités d'un frère tyran, Sahbi. Quant à la deuxième, elle expose la figure emblématique du pouvoir et du mal absolu dans le personnage de Richard III. Le dualisme s'installe aisément par le biais d'une écriture scénique et dramaturgique qui patine entre le voilé–non voilé, le présent–absent, la lumière-obscurité et, enfin, entre le bien et le mal. D'ailleurs, les costumes et la lumière ont servi ces antagonismes : le blanc et le noir sont omni-présents ainsi que la nébulosité et l'éclairage. Subséquemment, avec l'enchevêtrement de ces deux histoires, le langage poétique de cette pièce interpénétrant la langue arabe et le dialectal tunisien, soutient l'idée que le langage est insécable, malgré ses ambivalences. Finalement, le courant est bien passé entre le public et les artistes. Nous avons tous applaudi avec émotion la grâce et la souplesse des comédiens. A travers les deux personnages, Sahbi et Richard III, le circuit est clair : on voit l'aveuglement, l'absolutisme mais aussi la dégénérescence du pouvoir. D'ailleurs à la fin du spectacle, on crie haut et fort: «Pourvu qu'un autre Richard III ne naisse pas »! Interprétation : Nabila Gouider, Fatma Felhi, Sameh Toukabri, Sahbi Omar, Rabi Ibrahim, Assem Beltouhami, Khaled Ferjani. Texte «Richard III» : Mahfoudh Ghazel Texte «Court-circuit» : improvisations Dramaturgie : Ridha Jabballah-Jaafar Guesmi Mise en scène: Jaafar Guesmi