Les cinq passagers refusaient d'obtempérer. Le conducteur, toujours hospitalisé, a reçu une balle au visage «Nous étions sur le point de rentrer au collège. Nous avons vu une grande voiture blanche qui roulait à toute vitesse. Elle venait du côté de la colline. Malgré les ordres de la police, la voiture ne s'est pas arrêtée. A un certain moment, on aurait dit qu'elle était tombée en panne. Le bus était à deux pas. Il l'avait peut-être bloquée. Le conducteur s'apprêtait à sortir quand un agent lui a tiré dessus», témoigne Ridha, 13 ans. «Des filles se sont évanouies, d'autres personnes ont fui», ajoute-t-il. Devant le collège, la foule, dense, est en ébullition. Des caméras filment, les micros sont tendus. Sur le bitume, du sable est dispersé çà et là. « Nous avons peur. Nous ne comprenons rien, nous sommes terrorisés », confie Nabiha, habitante d'Ennasr, 50 ans. Les rumeurs vont bon train. Certains parlent de terroristes, d'autres de « hippies ». « Le conducteur est un voisin. C'est un jeune sans histoires qui aime les soirées », affirme Mehdi, 23 ans. « Il a un groupe de hard rock, il se produit sur scène, dans un café connu à Gammarth », assure Amine, 25 ans. Amine et Mehdi étaient chez eux quand ils ont entendu un coup de feu vers 8h10. En descendant dans la rue, ils ont vu le conducteur étendu devant sa voiture, une blessure au visage et une bouteille de whisky jetée un peu plus loin. Version des autorités «A 7h, on a reçu un coup de téléphone indiquant qu'une voiture 4x4 blanche de marque Toyota, avec à son bord des individus suspects, se trouvait du côté de Borj Turki, à la cité Ennasr», raconte un responsable du commissariat de police d'Ariana-Ville. «Suite à cet appel, un responsable a été dépêché sur les lieux en compagnie de trois voitures de police. Ils ont trouvé la Toyota et se sont arrêtés à 50m du véhicule», poursuit-il. A ce moment-là, la voiture suspecte serait partie de l'autre côté de la route en se ruant vers la colline. L'une des voitures de la police, un tout-terrain, est allée à sa poursuite, les autres sont restées sur place devant le collège. Quelques instants plus tard, la Toyota est revenue devant l'établissement scolaire. « Les agents ont sommé les passagers de sortir du véhicule. Mais devant le refus d'obtempérer, la police a tiré une balle, touchant la roue arrière de la voiture blanche », indique notre interlocuteur. Au bout de la rue, toujours devant le collège, un bus de la Société nationale de transport s'est mis en position pour bloquer la route. Entre-temps, le 4x4 des policiers est revenu, et deux policiers en sont descendus. « L'un d'eux s'est avancé vers le conducteur et lui a demandé de sortir. Le chauffeur a ouvert la portière et s'est jeté sur l'agent pour lui prendre son revolver. L'agent a tiré une balle qui a atteint le jeune homme au niveau du visage », raconte l'officier. Plus tard, des patrouilles ont rejoint les policiers sur place. Tous les passagers ont été capturés. Selon le responsable au commissariat, ils sont tous âgés d'une trentaine d'années et étaient en état d'ébriété au moment des faits. Trois sont tunisiens, un est français et un est franco-tunisien. Le conducteur souffrirait d'une blessure superficielle au visage. Il est toujours hospitalisé, mais sa vie ne serait pas en danger.