Parmi les hommages, les JCC honorent le cinéma de Nacer Khemir, un cinéma atypique et prolifique entre fiction et essais. La filmographie du cinéaste sera à l'honneur avec, en bonus, une exposition à la galerie de l'information. «Le cinéma de Nacer Khemir est à l'image de cette surface d'eau dans laquelle le prince de Bab Aziz cherche à contempler son âme. A travers ce miroir qu'il nous tend, ce natif de Korba nous invite à repenser notre rapport au monde et à renouer avec ce qui nous fonde. Pour Nacer Khemir, notre retour dans le giron de l'histoire passe par la réappropriation de nos histoires. Ce point de vue dérive du constat de notre incapacité à habiter le présent et à nous représenter un futur autre que l'on aurait décidé pour nous. Les Arabes ont failli, faute d'ancrage, d'enracinement dans une mythologie. La position du problème chez Khemir ne relève pas d'un passéisme nostalgique mais du projet d'une civilisation hospitalière ouverte sur le monde», écrit Ikbal Zalila, critique de cinéma dans son texte de présentation de l'hommage. Et il ajoute : «Si depuis Bab Aziz ( 2005), Nacer Khemir s'est détourné de la fiction au profit de films-essais, cette inflexion de sa trajectoire ne doit pas être entendue comme une déviation par rapport à une ligne directrice qui ne s'est jamais démentie. Le film-essai de par la liberté formelle qu'il rend possible constitue une autre déclinaison de son projet de refondation lequel ne saurait être réductible au cinéma. Cinéma, conte, poésie et peinture constituent autant de formes d'expression de Nacer Khemir qui rendent possibles des variations sur un même thème. A travers son cinéma, le réalisateur nous donne à contempler, à expérimenter, à penser, ne serait-ce que pour tenter de rompre avec la passivité qui nous inhibe». Voici les films qui figurent dans l'hommage : Par où commencer?, Les baliseurs du désert, Le collier perdu de la colombe, Bab Aziz le prince qui contemplait son âme et Looking for Muhyiddin. Concernant son exposition intitulée l'Ogresse, Nacer Khemir déclare : «Si j'ai accepté de faire cette exposition autour du conte et du mythe de l'Ogresse, c'est que cette expérience, initiée il y a quarante ans pendant l'été 1974, pose bien la question du rapport , chez nous, de l'oralité et de l'image, de la tradition et de la modernité. Elle illustre surtout concrètement le thème de mon dernier film Par où commencer ? L'exposition donnera à voir cette aventure plastique, en apparence modeste, mais en vérité une grande démonstration ; comment s'emparer de ses traditions et investir son héritage à travers la création pour offrir à ses enfants une culture à venir sans se couper de son passé et ainsi éviter une mort anthropologique certaine qui, parfois, peut exacerber des identités «meurtrières» ou mener à un abandon criminel de cet héritage qui ne peut offrir qu'un avenir servile.