«Enorme», le long métrage de Sophie Letourneur, est une comédie sur le désir d'avoir un enfant et la «grossesse par procuration» d'un homme ; une sorte d'hyperempathie gestante... Frédéric, la quarantaine, est atteint du démon de midi. Son démon de midi à lui, ce n'est pas de tromper son épouse Claire, une grande pianiste, mais d'avoir un enfant ; un désir accentué quand il aide à l'accouchement d'une passage lors d'un voyage en avion. Claire, elle, ne pense qu'à sa carrière que gère son mari. Un mari gérant également sa vie. C'est même lui qui lui donne la pilule contraceptive quand l'heure sonne. Et, justement, son désir d'enfant étant très fort, Frédéric remplace la pilule par un placebo sucré : une pastille. Claire tombe enceinte à son grand étonnement, et, au fur à mesure, comprend que son époux lui a fait un enfant dans le dos. Le jour de l'accouchement est prévu la veille d'un important concert que la pianiste doit donner. Claire fera tout pour provoquer délivrance. Ainsi peut se résumer l'histoire proposée par «Enorme», le long métrage de Sophie Letourneur, en compétition au festival myfrenchfilmfestival d'UniFrance. «Grossesse par procuration» Ce qui est intéressant dans «Enorme» c'est cette «grossesse par procuration». En effet, le ventre de Frédéric grossit en même temps que celui de sa femme dont le ventre va subitement gonfler. On a l'impression que le futur père souffre d'hyperempathie gestante. Pendant que Claire répète, il achète un tas de choses pour bébé, assiste aux cours de préparation à la naissance, et se sent comme une femme enceinte, alors que son épouse fait un déni de grossesse. On est loin de films qui mettent en avant la grossesse d'un homme, comme «L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune» (1973), de «Rabbit test» (1978), ou encore de «Junior» (1995). Cette «grossesse par procuration» est, certes, un désir d'avoir un enfant, mais il est aussi, quelque part, une sorte de justification. Frédéric «materne» déjà sa femme. Il la traite comme une enfant. Il s'occupe de tout ce qui la concerne, aussi bien professionnellement que personnellement. Il l'infantile. Claire semble se complaire dans ce rôle d'assistée, voire d'enfant pourrie-gâtée qui n'a pas besoin de se casser la tête, mais qui s'occupe que de ce qui l'intéresse uniquement : jouer du piano. Cependant, le jour où elle se rend compte que Frédéric a «abusé de sa confiance» pour la mettre en enceinte, elle commence à changer. Les deux personnages sont différents mais aussi complémentaires. Différents dans leur envie d'avoir un enfant, dans leur manière de penser, de réagir. Complémentaires puisque Frédéric veut assumer le rôle de la mère, jusqu'à vouloir trouver un système pour allaiter l'enfant à venir, et Claire réagit avec une indifférence qui caractérise plus les pères que les mères. Un inversement des rôles, des responsabilités, en quelque sorte. Finalement, «Enorme» est une farce avec des touches absurdes et noires, pour ceux qui arrivent à les comprendre. Pour les autres, ce film est juste un bon moment à passer en... couple. Z.H