Ils s'étaient connus dans le milieu carcéral qui les avait réunis pendant une longue période au cours de laquelle ils ont été détenus pour une série de méfaits à l'arme blanche. Derrière les barreaux, et en signe de solidarité, ils tissèrent de solides relations et finirent par devenir deux camarades inséparables, d'autant qu'ils partageaient la même cellule. Cités comme exemple par les gardiens de la prison, ils allèrent même jusqu'à se jurer fidélité, une fois à l'air libre. Toutefois, la vérité allait s'avérer toute autre quand cette prétendue amitié s'est estompée rapidement lors de leur élargissement. En effet, le vieux réflexe de l'ancien détenu devait ressurgir entre les deux hommes, au moment même où ils fêtaient leurs retrouvailles. Ayant purgé leurs peines respectives, chacun essaya tant bien que mal de s'insérer dans la vie sociale et alors que l'aîné, fort de son expérience, est parvenu à se faire embaucher par un entrepreneur des travaux publics, la chance tourna le dos au cadet qui galérait, au jour le jour, pour subvenir aux besoins vitaux de sa famille. Faisant bien les choses, le hasard a voulu les réunir à nouveau, cette fois-ci, non entre quatre murs, mais bel et bien dans un café pour évoquer leurs souvenirs et parler de leurs présents et également de leurs futurs. C'est ainsi que le plus jeune d'entre eux entra dans le vif du sujet en se lamentant des vicissitudes implacables de la vie qui l'obligeaient à tourner en rond, étant sur le qui-vive, toujours à la recherche d'un petit boulot pour s'en sortir. Son inquiétude était telle que l'insomnie l'assaillait tous les soirs. Discutant vivement avec son compère qu'il n'a plus vu depuis belle lurette, son regard était notamment posé sur le téléphone portable de son interlocuteur qui ne se souciait de rien tant il était tout ouïe pour son cadet. Mauvais réflexe de l'ancien détenu qui devait lui coûter un retour imprévu en prison. Profitant de l'absence momentanée de l'aîné qui s'était rendu aux toilettes, le cadet subtilisa le portable et la paire de lunettes qui traînaient sur la table avant de quitter les lieux. Une récidive qu'il va payer cher devant le tribunal. Dommage : la solidarité qu'il avait manifestée envers son camarade de prison s'est vite envolée pour des pacotilles. Arrêté à la suite de la plainte déposée par la victime, il reconnut les faits, soulignant qu'il était sans le sou quand il a accompli son malheureux geste. Et faisant acte de noblesse envers son aîné, il lui restitua ses lunettes et son portable. Toutefois, cela ne lui a pas permis d'échapper aux poursuites judiciaires. Traduit devant la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis, l'accusé a été condamné à deux mois de prison ferme.