Le Temps-Agences - La série noire continue après un 90e suicide de détenu depuis le début de l'année, cette fois à la prison d'Ensisheim (Haut-Rhin), à la veille d'un rendez-vous aujourd'hui à la Chancellerie des principaux syndicats pénitentiaires qui dénoncent "une situation alarmante". Un homme de 45 ans s'est pendu vendredi dans sa cellule de la maison d'arrêt d'Ensisheim, dans une région Est où trois autres détenus dont deux mineurs se sont donnés la mort en octobre et où la prison de Mulhouse a connu samedi soir une quatrième tentative de suicide en une semaine. Depuis le début de l'année, il y a eu 90 suicides dans les quelque 200 prisons françaises. Il y en avait eu 115 sur toute l'année 2004, 122 en 2005, 94 en 2006, 96 en 2007. De source pénitentiaire, on veille à distinguer les différents cas récents. Le suicide d'un mineur de 16 ans à Metz-Queuleu a entraîné une enquête interne qui a montré l'absence d'entretien d'un représentant du parquet avec l'adolescent avant son placement en détention. Depuis, un décret de la garde des Sceaux, Rachida Dati rend obligatoires ces entretiens préalables qui visent à expliquer aux mineurs les raisons de leur incarcération. Un homme majeur, qui s'est suicidé dans la nuit de jeudi à vendredi à Strasbourg, "aurait dû être hospitalisé d'office" compte tenu de ses tendances suicidaires, a estimé samedi la CGT-pénitentiaire. Le cas du condamné d'Ensisheim, qui se trouvait en quartier disciplinaire, n'a "rien à voir" selon un représentant du syndicat. Pour l'Observatoire international des prisons (OIP), il y a dans les quartiers disciplinaires "sept fois plus de suicides qu'en cellules ordinaires". Malgré des progrès dans l'accueil et le signalement des détenus à risques suicidaires, à la suite d'un rapport en 2003 du psychiatre Jean-Louis Terra, les professionnels insistent sur la difficulté d'une prévention efficace. Des rondes toutes les deux heures pour les détenus placés sous "haute surveillance" n'ont pas permis d'éviter le suicide de Strasbourg. Syndicats et opposition insistent sur l'aggravation de la situation dans un contexte de surpopulation carcérale (63.185 détenus au 1er octobre pour moins de 51.000 places). Le PS a demandé samedi "un plan d'accompagnement psychologique et de rénovation des prisons". La CGT a fustigé aussi "la politique pénale ultra-répressive du gouvernement qui entraîne l'incarcération à outrance". Dans une rare unité syndicale, les trois principales organisations de surveillants (Ufap, FO, CGT) dénoncent une "situation alarmante des conditions de travail", un "manque de moyens humains et matériels" ainsi qu'une "incohérence de la politique pénale". Elles doivent être reçus aujourd'hui matin au ministère de la Justice et se réunir ensuite pour décider d'éventuelles actions.