A l'inverse de certaines autres contrées où l'ado dès l'âge de 16 voire 14 ans commence à virevolter par ses propres petites et non moins fragiles ailes sous le regard amusé et un tantinet attendri de ses géniteurs ; une sorte d'initiation si l'on veut avant qu'il ne prenne son envol définitif grandeur nature vers la vingtaine, un peu moins des fois, et s'installer ailleurs loin du toit parental ; chez nous et contrairement à ce qui se passe outre-mer, le cocon familial, les liens très étroits unissant ascendants et descendants ne permettent nullement pareils agissements et fugues. Quoique depuis quelques temps, nous assistons interdits à de pressants appels du pied (un euphémisme pour nous consoler un tant soit peu) de nos ados voulant imiter des copains (es) installés (es) déjà à leur propre compte. Que nous soyons interloqués, à tort ou à raison, n'est pas à vrai dire la finalité de cette approche car nous ne nous arrogeons nullement le droit d'avancer un avis sur la question. S'agissant d'un phénomène récent, naissant sous nos cieux, nous nous contenterons de rapporter les points de vue et arguments des uns et des autres tout en laissant la porte grande ouverte à notre cher lectorat pour enrichir le débat. On épiloguera sûrement à satiété sur les avantages et les inconvénients, sur l'utilité, le bien fondé (?) d'autoriser son ado à quitter le sacro-saint giron parental à un âge relativement tendre.
L'ado, cet éternel mécontent Les psychiatres soutiennent qu'à l'adolescence, période très difficile surtout pour les parents, les enfants se sentent déjà les égaux, sinon plus, des adultes mais avec des idées, une vision, une manière d'appréhender le quotidien autrement plus avant-gardistes que ces géniteurs très collet monté, rétro, en retard d'une guerre quoi ; conflit des générations oblige! Jusque là pas grandement pris au sérieux par leur proche entourage, il deviennent graduellement suspicieux, grincheux, cherchant perpétuellement noise, bref tirant sur tout ce qui bouge. Une manière propre à eux de marquer leur territoire, de s'octroyer un nouveau statut, d'occulter leurs angoisses mais surtout d'imposer à la ronde leur personnalité, leur MOI et de flatter au passage leur ego. Et ce sont généralement les parents qui trinquent dans l'affaire, ne comprenant plus rien et ne sachant plus sur quel pied danser vis-à-vis de ces revirements insoupçonnés, inhabituels : révoltes inexpliquées ; animosité à fleur de peau difficilement intériorisée, refus d'obtempérer, de continuer à adhérer à un ordre déjà établi ; études sciemment en veilleuse ; art cynique de la provocation gratuite ; palabres interminables sur fond d'arrogance ; dénégation hostile de l'autorité parentale ; etc. Dans la foulée, et en pleine rébellion, on commence par passer la nuit chez des camarades de classe pour réviser et potasser les cours selon leurs allégations. Une initiative de plus en plus répandue chez nos élèves (classes terminales essentiellement) et nos étudiants ! Une parenthèse cependant, et qu'on nous pardonne et nous passe notre « esprit tordu, soupçonneux, étroit : comment un père peut-il dormir à poings fermés sachant que sa fille passe la semaine de révision chez sa copine ? Ou encore, comment un ménage arrive t-il à héberger une armada de copains du rejeton, prenant des libertés et des aises frisant souvent l'indécence ?
Des parents divisés De là à ce que les gosses demandent et obtiennent le départ définitif du gîte familial il n'y a qu'un pas allègrement franchi mais souvent dans la souffrance. Aux réticences d'une maman taxée avec un brin de reproche, voire de condescendance « mère exagérément... poule » les arguments d'un paternel excessivement... cool sont là : leur fournir l'opportunité de s'affirmer dès leur prime jeunesse, de ne compter que sur eux même ; nous serons toujours derrière eux pour les aider (argument ne tenant la route qu'au volet financier en réalité, où les parents se doivent de subvenir aux moindres dépenses des transfuges) ; grâce à un copinage d'âge identique les chances de réussite sont nettement meilleures ; si on s'y oppose, il y a un risque potentiel d'échec dans les études par dépit ; et s'ils étaient à l'étranger pour suivre une branche inaccessible ici ; etc. Ceux qui s'opposent farouchement à accorder ce blanc seing aux ados soutiennent mordicus que pareille liberté n'est nullement compatible avec nos habitudes et nos mœurs ; que les jeunes ont encore besoin si ce n'est de la protection, du moins des conseils et directives de leurs aînés ; les risques de dérapage, de déviationnisme étant très grands, le manque d'expériences des aléas de la vie, de ses pièges innombrables et trompeurs handicapant lourdement des âmes encore tendres et pas du tout aguerries à les affronter, à les éluder ; sans occulter il va sans dire l'influence parfois néfaste du reste des colocataires outrepassant largement les lignes rouges car livrés sans restriction ni contrôle à leurs propres fantaisies,caprices, débauches ; les énumérer nous parait inopportun, fastidieux, tout un chacun en étant informé avec forces détails et largement au fait de leur existence. Pour conclure, nous dirons à l'écrasante frange majoritaire des irréductibles opposants, dans le dessein de la rassurer, que le phénomène n'est largement d'actualité que dans certains milieux huppés où il demeure encore circonscrit ; pour le reste, il en est à ses premiers balbutiements et fort peu répandu. Mais jusqu'à quand ?