Le Temps-Agences - Les relations entre la Commission européenne et Rome tournent à l'aigre à propos du refoulement par l'Italie des immigrants clandestins en Méditerranée, après des critiques très dures de Silvio Berlusconi qui a menacé de "bloquer" le fonctionnement de l'UE. Mardi, M. Berlusconi, coutumier des sorties contre Bruxelles, s'en est pris à la Commission. En cause: une demande d'éclaircissement d'un de ses porte-parole au sujet du refoulement dimanche par les autorités italiennes vers la Libye d'un bateau chargé de 75 clandestins. Bruxelles s'inquiète du risque de voir des réfugiés vulnérables, ayant des raisons tout à fait valables pour demander l'asile en Europe, être repoussés sans avoir pu faire valoir leurs droits. Furieux de voir la Commission s'immiscer dans un dossier qui lui vaut d'être régulièrement critiqué par son opposition nationale, M. Berlusconi a menacé de "bloquer le fonctionnement de l'UE", voire de demander "la démission des commissaires" qui ne contrôleraient pas leurs porte-parole. La réponse est venue hier du principal commissaire concerné, le Français Jacques Barrot, chargé des questions d'immigration. "Nous sommes dans notre rôle (...). Ca ne vaut pas la peine de s'attarder à des commentaires qui ne me paraissent pas avoir d'objet", a déclaré M. Barrot à la presse. "Quand il s'agit de problèmes qui affectent un Etat membre (de l'Union européenne), comme l'Italie ou autre, nous devons demander un certain nombre d'explications", a-t-il ajouté. "C'est ce que nous avons fait au début de l'été", notamment "sur la manière dont (les autorités italiennes) entendaient répondre à leur devoir d'asile" et "nous attendons maintenant" les réponses, a-t-il ajouté. Bruxelles a demandé ces explications en juillet. Le chef de file des socialistes au Parlement européen, l'Allemand Martin Schulz, a pris la défense de la Commission, dénonçant dans un communiqué "l'intolérance" du chef du gouvernement italien à l'égard de Bruxelles et son "sentiment anti-européen profondément ancré". Sur le fond, M. Barrot a des réserves sur la ligne dure adoptée par le gouvernement Berlusconi face à l'immigration clandestine. "Qu'il y ait refoulement des migrants irréguliers, pas de problème, par contre il peut y avoir parmi ces irréguliers des gens qui peuvent déposer une demande (d'asile), et c'est là que se trouve le problème", a-t-il expliqué. L'Italie se plaint pour sa part régulièrement du manque de solidarité de ses partenaires européens face à l'afflux vers ses côtes de réfugiés venant des côtes nord-africaines. "Jusqu'à présent, l'Europe nous a laissés seuls. Sur l'immigration, elle est très en retard", s'est plaint le ministre italien des Affaires européennes Andrea Ronchi dans une interview publiée hier, en dénonçant "l'égoïsme" de certains pays. Là encore, la Commission européenne réfute tout immobilisme. "Un grief que je n'accepterai pas c'est l'inaction, car j'ai payé de ma personne pour essayer de trouver des solutions", a dit M. Barrot. En revanche, il a reconnu que les critiques italiennes étaient plus justifiées concernant l'attitude des autres pays européens qui rechignent à partager le fardeau de l'accueil des réfugiés. Pour y remédier, Bruxelles prépare un projet pilote visant à répartir à l'intérieur de l'UE des réfugiés échoués à Malte. A ce jour, seule la France a accepté de faire un geste en prenant en charge 92 migrants arrivés sur l'île. La Commission a aussi présenté hier un projet visant à accroître le nombre de réfugiés vulnérables d'Afrique ou du Proche-Orient accueillis dans l'UE, ce qui, espère-t-elle, pourrait aider à réduire les filières clandestines.