On appelle cela un échange de bons procédés : Chirac vote pour Sarkozy – en a-t-il le choix ? – et il fait contre mauvaise fortune, bon cœur. Car, Chirac n'oublie pas que Sarko l'avait trahi, en 1995, pour soutenir Balladur. Et, d'ailleurs, loin d'être une colombe, le président sortant le lui avait fait payer : Sarkozy a mis sept longues années pour remonter la pente et être désigné ministre de l'Intérieur en juin 2002, dans le gouvernement Raffarin. Mais deux ans après, Chirac abdique : Sarkozy est bel et bien devenu l'homme fort de la droite. Les deux hommes s'étaient connus en 75. Chirac remarque la superbe mordante de ce jeune de 21 ans. Puis, durant toutes ses traversées du désert - battu en 81 puis en 88 par Mitterrand – Chirac, maire de Paris et leader de l'UDR, a ressenti les assiduités dont l'entourait ce jeune garçon, réglé comme une mécanique, pour une carrière de futur président de la République... Et, c'est cela un échange de bons précédés : on se renvoie mutuellement l'ascenseur, mais pas forcément en fonction d'effusions sentimentales. On se souvient que Mitterrand avait choisi, en 1995, Jospin « du bout des lèvres ». Il ne l'aimait pas particulièrement... Son héritier aurait été Fabius, mais il était grillé. Et, craignant la remontée d'un Rocard, trop libéral, à son goût, il avalisait négligemment, ostensiblement, la candidature de Jospin, sur le journal « Le Figaro » en ces termes laconiques : « {Jospin} est capable de cristalliser l'espérance et les réalités de gauche ». Il n'empêche : Jospin revendiquait en pleine campagne un « droit d'inventaire » sur les deux septennats de Mitterrand. Y compris, sans doute, les années de la cohabitation... Et l'histoire de se répéter. Le soutien annoncé, cette fois, à la télé, par Chirac à Sarkozy est quelque peu désabusé. Aucun compliment. Mais un avertissement : « il ne faut pas composer avec l'Extrême droite ». A qui s'adresse-t-il, en particulier ? A Sarko, bien sûr, dont la tentation Lepeniste était criarde. Et du coup, la gauche saute sur l'aubaine : pour elle, Chirac a choisi son héritier et, cela, à ses yeux, pénalisera l'héritier puisque le bilan du père est jugé négatif... Mais, de son côté, le président français n'a jamais caché des réserves quant à la boulimie de pouvoir et l'excès d'agitation de son « dauphin »... Sinon, dans les deux camps, on s'accorde à dire que Chirac a choisi « son clone », (c'est de Philippe de Villiers). Entre temps, au centre, on reste vigilant : pour eux, Sarko « fait des promesses de droite avec une politique de gauche », tandis que Ségolène Royal, s'est déjà implantée dans la VIème République... Mais, ces valeurs qu'elle veut remettre au goût du jour, personne n'y croit plus.