Les protestataires qui campaient depuis le 2 mars devant le siège de la télévision nationale pour réclamer «l'épuration» de la chaîne ont levé, hier, leur sit-in, bien avant l'expiration du délai de 24 heures qui leur avait été accordé par le ministère public. Les campeurs qui arboraient pour la plupart des barbes fournies pour les hommes et des voiles islamiques pour les femmes, ont commencé à démonter leurs tentes dès le matin. Ils ont justifié la levée du sit-in par la recherche de l'intérêt général. « Cette décision a été prise dans l'intérêt national et afin d'éviter de nouveaux affrontements », précise Halima Maâlej, une des organisatrices du sit-in, lors d'une conférence de presse improvisée, accusant les employés d'Al-Wataniya ( la chaîne nationale d'avoir attaqué violemment les protestataires. Mardi, des violentes échauffourées ont eu entre les manifestants et les fonctionnaires de la télévision nationale, excédés par le sit-in qui dure depuis près deux mois. Ces heurts ont fait cinq blessés, dont deux journalistes et deux policiers Les manifestants ont également précisé qu'ils ont «choisi de répondre favorablement aux demande de levée du sit-in exprimées du gouvernement et du ministère public». Le ministre conseiller du chef du gouvernement chargé des dossiers politiques, Lotfi Zitoun, s'était rendu mardi dans la soirée sur les lieux du sit-in pour négocier avec les protestataires et les convaincre de lever leur sit-in. «Après quelques heures de pourparlers les manifestants ont fini par comprendre que leur mouvement est devenu une menace pour la sécurité publique», a expliqué M. Zitoun. Réformer les médias Installés dans des tentes et se relayant nuit et jour, les quelques dizaines de protestataires avaient accusé les journalistes d'Al-Wataniya «chercher à semer la sédition dans le pays, voire de «comploter pour renverser l'exécutif», dominé par le mouvement islamiste Ennahdha ». Hier, ils ont déclaré que le gouvernement leur a « promis de répondre à toutes leurs demandes, notamment de régler la corruption administrative et financière et de limoger les figures qui ont fait la propagande de Ben Ali ». Dans un communiqué publié mardi soir, le mouvement Ennahda a condamné la violence devant la télévision nationale, tout en insistant sur la nécessité de réformer les médias publics. « La réforme des médias publics est une demande principale de la révolution. La télévision publique vit une crise en raison du manque d'impartialité de certaines parties au sein de la télé », ajoute précise le parti, qui nie , cependant, tout lien avec les protestataires. Les employés de Wataniya ont, quant à eux, reçu l'appui d'une quarantaine d'ONG, qui ont dénoncé des « agressions systématiques contre le droit à l'information» et accusé le gouvernement de « laxisme complice». De leur côté, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) et l'Instance nationale chargée de la réforme de l'information et de la communication(INRIC) ont dénoncé l'attitude des autorités qui a laissé le si- in perdurer pendant deux mois. «Ce n'est pas avec la pression, les insultes et les agressions qu'on peut réformer les médias. Il y a un travail méthodique pour mettre la main sur les médias », accusé l'INRIC, estimant que les dirigeants islamistes veulent « domestiquer» le secteur.