Une conversation privée entre l'ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi et son successeur à La Kasbah, Hamadi Jebali, a été publiée sur le site d'information Nawaat ce jeudi 18 octobre, près d'un an après la date de cette conversation. Les faits remontent à la cérémonie de passation de pouvoir entre Caïd Essebsi et Jebali au palais du gouvernement, le 26 décembre 2011. En "off", les deux derniers chefs de l'exécutif ont notamment parlé de la composition du gouvernement de la troika, de l'affaire Persépolis, et du Qatar. Morceaux choisis sélectionnés par Nawaat : Béji Caïd Essebsi affirme qu'il n'a pas touché au compte courant à la disposition du Premier ministre, ajoutant Tu trouveras l'autre somme qu'il m'a laissé" ("il" en référence au prédecesseur de Caïd Essebsi, Mohamed Ghannouchi ?"). Hamadi Jebali propose à Béji Caïd Essebsi de soutenir son équipe gouvernementale.
Béji Caïd Essebsi parle avec ironie à son interlocuteur de l'ancien ministre de l'Intérieur, Farhat Rajhi. "Ils lui ont volé son manteau et l'ont tabassé" a dit BCE.
Selon ce dernier, Farhat Rajhi était entouré de "gens du POCT" (ancien nom du Parti des travailleurs, dirigé par Hamma Hammami), et la militante des droits de l'Homme Sihem Bensedrine serait intervenue dans les affaires de l'Etat.
Béji Caïd Essebsi s'est dit fier d'avoir (remis à sa place) l'avocate et militante Radhia Nasraoui, qui serait sortie en pleurs de son bureau à La Kasbah. Hamadi Jebali a répondu à cette confidence par un rire.
Hamadi Jebali demande à Béji Caïd Essebsi son avis sur les priorités du moment, ce à quoi ce dernier a répliqué par "On met les salafistes sur votre compte, mais je sais que vous êtes innocents".
Le président de Nida Tounes a également conseillé à Hamadi Jebali de régler la situation de Nabil Karoui, directeur général de Nessma TV, qui faisait à l'époque l'objet d'une plainte pour la diffusion du film Persépolis. BCE a également mis en garde son successeur contre les "relations" de Nabil Karoui. "Tu ne peux pas voir qui roule pour lui (...) Il est plus appuyé de l'extérieur que de l'intérieur. Je les connais" a déclaré BCE.
Béji Caïd Essebsi critique les déclarations du ministre de l'Enseignement Supérieur, Moncef Ben Salem, sur Bourguiba, et souligne qu'il est intervenu auprès d'un des prédecesseurs de Ben Salem pour régler la situation de ce dernier après une médiation effectuée par Mustapha Filali.
Béji Caïd Essebsi confesse avoir refusé un prêt du Qatar avec un taux d'intérêt de 4.5% après que Doha ait revu ses prétentions à la hausse. Le taux d'intérêt intial était de 2.5%. Béji Caïd Essebsi révèle que Ben Ali a reçu de l'argent de la part de l'ancien président irakien Saddam Hussein, ce qui a provoqué des tensions entre la Tunisie et le Koweït.
BCE avoue qu'il n'y a pas de volonté réelle de demander l'extradition de Ben Ali vers la Tunisie, tout en reprochant à l'Arabie saoudite de ne pas avoir répondu à la demande. L'extradition de l'ancien Premier ministre Baghdadi Mahmoudi a également été évoquée.
Selon le président de Nida Tounes, l'émir saoudien Nayef Ibn Abdelaziz a tenté d'intervenir auprès de la Tunisie pour obtenir la libération de l'ancien ministre de l'Intérieur, Abdallah Kallel. La même demande a été formulée plus tard par le chef de la diplomatie saoudienne, Saoud al-Faisal.
Alors que Béji Caïd Essebsi condamne les déclarations de Moncef Marzouki sur Baghdadi Mahmoudi, Hamadi Jebali lâche : "Cela ne concerne pas Monsieur Marzouki (...) Il n'a rien à dire et rien à faire (dans cette affaire)".