Intrigues, querelles, rivalités, c'est l'image pitoyable donnée par le théâtre du Bolchoï depuis plusieurs mois. Alors que Sergueï Filine, le directeur artistique de ce temple de la danse, vient de rentrer à Moscou après six mois d'hospitalisation, on ne sait toujours pas exactement pourquoi il a été agressé à l'acide le 17 janvier dernier. Le visage brûlé au troisième degré, les deux yeux touchés au point d'être quasiment aveugle, il a dû être hospitalisé plus de six mois dans une clinique allemande. Il est rentré samedi à Moscou pour le début de la nouvelle saison artistique. D'après ses médecins, Sergueï Filine a récupéré 80% de sa vue à l'œil gauche. Il dit qu'il peut distinguer les objets de son œil droit, mais il devra néanmoins subir encore une opération. Il a déjà subi une greffe de peau et une vingtaine d'opérations aux yeux. A son retour samedi, il est apparu portant des lunettes noires, un bonnet, et un pansement cachant ses oreilles. Des cicatrices marquent encore son visage. Un besoin de forces nouvelles Mais qui était donc l'agresseur, masqué au moment des faits ? Un danseur, Pavel Dmitrichenko, actuellement en détention provisoire, aurait engagé deux hommes pour tabasser Filine. Il aurait voulu venger sa compagne, Angelina Vorontsova, à qui le directeur artistique avait refusé le rôle principal dans le ballet Le Lac des cygnes. Mais la direction du théâtre a mis en cause un autre danseur étoile, Nikolaï Tsiskaridzé, qui avait des relations exécrables avec le directeur artistique, et dont Angelina Vorontsova était l'élève. Il aurait été le véritable instigateur de l'agression, et le Bolchoï a mis fin à son contrat. Le danseur aurait notamment convoité le poste de Filine au point d'adresser un courrier en ce sens à Vladimir Poutine. Il s'en défend, mais dans une interview à un journaliste du Figaro, il estime qu'il méritait effectivement de remplir cette fonction. En tout cas, il met en doute la réalité de l'agression contre Sergueï Filine, qu'il a qualifié de « vaste mise en scène ». Il doute notamment que la victime ait failli perdre la vue. Le directeur du Bolchoï, Anatoli Iksanov, a aussi été limogé, officiellement parce que le théâtre « a besoin de forces nouvelles ». Sortir de la rubrique « faits divers » Cette affaire a, en tout cas, mis sur la place publique la situation délétère qui règne au sein du Bolchoï. Ainsi, récemment, une danseuse étoile a claqué la porte car elle s'estimait insuffisamment considérée. Une autre a choisi l'exil en raison de l'atmosphère « malsaine » qui règne au Bolchoï, à cause, selon elle, de Sergueï Filine. Diffamation, coups bas… En 2011 déjà, des mails juxtaposant le sigle du Bolchoï et des photos pornographiques auraient circulé. Des accusations de corruption ont été proférées à l'encontre de certains responsables. Des propos diffamatoires ont circulé sur le net. Le nouveau directeur du Bolchoï, Vladimir Ourine, va avoir fort à faire pour que l'institution sorte des pages « faits divers » et retrouve celles de la culture. (Agences)