La maison CELI est une maison d'éditions tunisienne créée en 2005 et dont la fondatrice est Ahlem Boufaied, orthophoniste et auteure de plusieurs ouvrages pédagogiques, de bonne facture, destinés aux enfants, aux éducateurs et aux parents. La maison est réputée pour la richesse et la variété de ses collections, en arabe et en français, (contes, romans, histoires illustrées...)et pour la qualité des nouveautés régulièrement parues qui donnent la priorité aux enfants de 6 à 12 ans. Cette maison édite non seulement des productions tunisiennes, mais également étrangères, s'ouvrant ainsi sur l'Afrique et l'Europe ; d'où la parution de livres sénégalais et d'auteurs français spécialistes dans la littérature de jeunesse. Parmi les nouveautés de CELI, la parution d'un livre en langue française intitulé « Le garçon qui voulait rencontrer Dieu » de Jérôme Bourgine où la couverture est illustrée par Anisa Manière. Journaliste, voyageur et écrivain, Bourgine s'applique, dans ses reportages et ses fictions, à partager avec ses lecteurs l'enthousiasme suscité par ses plus belles rencontres et à montrer qu'en toutes circonstances, l'être humain peut trouver un chemin qui le grandit tout en servant les autres. Il est l'auteur de plusieurs livres destinés à la jeunesse dont « Bras de fer », « Le Voyage astral », « Comment nous devenons Dieu », « La révolte des animaux », « Le voyage impossible »... Le livre parle d'Oscar, un enfant de dix ans, choqué par les images atroces diffusées par la Télévision sur les guerres qui ensanglantent le monde que se livrent les ultras extrémistes des religions monothéistes. Il se demande pourquoi ces gens, qu'ils soient juifs, chrétiens ou musulmans, se battent et s'entretuent un peu partout sur la planète. Ces religions ne sont-elles pas l'œuvre de Dieu ? Ne dit-on pas que Dieu aime le bonheur de l'humanité, la paix et l'amour pour tous ? « Pourquoi les vendredistes, les samedistes et les dimanchistes disent tous qu'on doit s'aimer les uns les autres et font exactement le contraire ? Qui c'est qui a raison pour le jour à consacrer à Dieu ? », demanda Oscar à sa mère. Et la mère de répondre : « il faut comprendre que les hommes se font tous une idée différente de Dieu, ce mystère absolu. Partant de là, et comme chaque fois qu'ils ne sont pas d'accord, ils se disputent. Violemment, je te l'accorde. Quant à savoir quelle religion se fait de Dieu l'idée la plus juste...Difficile à dire. Si Dieu existe, personne ne l'a jamais rencontré que je sache » p.5 « Personne ne l'a jamais rencontré », cette phrase a vraiment marqué l'enfant, sans pour autant qu'il en soit convaincu. Oscar décide alors de mener sa propre enquête pour retrouver Dieu. Ses parents ne s'y opposent pas ! Il va, tour à tour, chez « un Imam » des Musulmans (vendredistes) qui lui tend le Livre Saint en disant : « Si tu veux connaitre la réponse à tes questions, il te suffit de lire ce livre », ensuite il se rend chez un samediste (un « Rabbin » de la religion juive) et enfin alla rencontrer un dimanchiste, posant les mêmes questions et chacun vantait sa religion. « Bref, c'est un vrai casse-tête, cette histoire, a conclu Oscar. » p.19. Une seule chose est pourtant sûre pour Oscar, c'est qu'aucun des trois hommes avec lesquels il a parlé n'a pu rencontrer Dieu ! Il entendit parler de certains mystiques, vivant en ermite, retirés dans la montagne, loin des gens, qui, à force de méditer et d'adorer Dieu et de l'adorer, finissent par s'y identifier et croire l'avoir rencontré !Il décida alors de monter à la montagne pour rencontrer un certain Rémy Scita, un ancien footballeur ayant décidé d'aller vivre en ermite, dans une grotte. Mais ce dernier lui apprit que « Dieu était là, comme il est présent à chaque seconde, en toute chose et partout !La seule différence, c'est que moi aussi, à ce moment-là exceptionnellement, je ressentais Sa présence en tout : dans chaque chose, dans chaque être vivant : humain, animal, plante. Et également en moi ! » p.42. Cela rappelle l'histoire du fameux mystique El Hallaj (858-922) qui a mené une vie spirituelle mystérieuse et ne cessait de chanter les merveilles d'une union à Dieu débouchant sur l'abolition de son moi et la communion divine. Mais finalement, cet ermite, Rémy Scita, à qui il s'est adressé, a-t-il rencontré Dieu ? Le garçon est parvenu plus ou moins à une réponse : « Oui, bien sûr, dans un sens, son expérience ressemble à une rencontre avec Quelque Chose et, tout à la fin, avec Quelqu'un. Mais « Non », dans un autre sens, il ne peut absolument pas répondre simplement : « J'ai rencontré Dieu » p.90 Bref, Oscar, passant toute la nuit à la montagne, fut émerveillée par la nature que l'ermite Rémy Scita appelait « Jardin de Dieu ». Là, il n'avait comme seule richesse que le silence, le magnifique panorama. Il est là, tout petit devant Dieu. Et c'est là qu'il finit par croire qu'il doive exister une force hors du commun supernaturelle plus grande que l'homme, un être invisible pour les yeux, qui crée la vie et que les hommes ont appelé « Dieu » . En effet, Dieu se rencontre dans la contemplation de la nature. Partout où vit quelqu'un, Dieu est omniprésent, mais encore faut-il le savoir. L'aventure d'Oscar finit par une consolation intérieure : « Car si une chose est certaine sur cette planète, c'est que tout est bien qui finit bien », confia-t-il à la fin. Avec un style simple et facile, un registre de langue familier et un dialogue vif et animé, l'auteur nous fait entrer avec beaucoup d'adresse dans l'univers, les pensées et les réactions du personnage durant toutes les étapes de sa quête, ce qui permet d'accrocher pas mal de lecteurs parmi nos adolescents et nos jeunes. Le roman s'adresse également aux parents qui souvent ne parviennent pas à assouvir la curiosité de leurs enfants sur des questions embarrassantes, voire absurdes concernant les religions, la nature ou l'existence de Dieu. Hechmi KHALLADI ** « Le garçon qui voulait rencontrer Dieu » de Jérôme Bourgine, CELI Editions, novembre 2014, 100 pages.
