L'incident a fait le tour des médias internationaux : Libération, New-York Times, Le Point, France 24, et bien d'autres médias étrangers sont revenus sur la condamnation de six jeunes étudiants tunisiens à trois ans de prison ferme et à cinq ans d'interdiction de séjour dans la ville de Kairouan pour homosexualité. Des commentaires de choc et d'indignation ont accompagné ces textes. L'un des lecteurs de ces journaux a indiqué qu'il pensait à revenir en vacances en Tunisie parce que « cette jeune démocratie a besoin du tourisme pour se relever, mais ces condamnations me font définitivement renoncer ». Après avoir été dénoncés par des voisins, les six étudiants ont reconnu avoir eu des relations homosexuelles. Suite à cet aveu, les jeunes hommes ont subi un test anal dans l'hôpital de la région qui a démontré leur homosexualité. Une fois devant le juge, les accusés ont été condamnés à trois ans de prison ferme, soit la peine maximale au titre de l'article 230 du code pénal. L'un des accusés a écopé d'une peine supplémentaire de six mois de prison ferme pour atteinte à la pudeur et ce après que les autorités aient retrouvé des vidéos pornographiques sur son PC personnel. Une fois qu'ils auront purgé leur peine, les six étudiants subiront un bannissement de la ville de Kairouan pendant cinq ans comme le stipule l'article 5 du code pénal. Ce verdict n'a pas manqué de susciter la réaction de la société civile tunisienne et des différents ONG défenseurs des droits de l'Homme. Ahmed Ben Amor, vice-président de l'Association Shams pour la dépénalisation de l'homosexualité, a dénoncé un jugement honteux indigne d'un Etat qui se veut démocratique. Rappelant que l'Etat tunisien est le garant de la protection de la vie privée des citoyens, Ahmed Ben Amor a assuré que Shams ne restera pas sans réagir – rappelons que le secrétaire général de la même association, Hédi Sahly, a récemment obtenu l'exil après avoir subi des menaces homophobes – et que ses membres ont décidé de militer au grand jour contre ces injustices. De son côté, Amna Guelali, membre de Human Rights Watch (HRW), a expliqué que le verdict de Kairouan relève d'une grave atteinte à la vie privée des citoyens et d'ajouter que le test anal porte atteinte à l'intégrité physique des citoyens. Amna Guelali a qualifié le verdict du bannissement de méthode moyenâgeuse indigne de la Tunisie moderne. Pour la première vice-présidente de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'Homme, Balkis Mechri, le jugement selon l'article 5 du code pénal, relatif au bannissement, est un réel scandale. Balkis Mechri a appelé la société civile tunisienne à se mobiliser rapidement pour cette affaire. Cette affaire survient quelques mois après celle de Marwen, le jeune étudiant condamné à un an de prison pour homosexualité et libéré en appel. Contactée par Le Temps, maître Fadoua Brahem, avocate du jeune Marwen, nous a assuré que le jeune homme a été libéré sous caution et que son procès n'a pas encore pris fin. L'avocate nous a confié vouloir obtenir un non-lieu pour son client. Lors de l'affaire de Marwen, l'ancien ministre de la Justice, Mohamed Salah Ben Aïssa, s'était prononcé en faveur de l'abrogation de l'article 230 du code pénal. Quelques semaines plus tard, il a été limogé de ses fonctions. En dépit d'une nouvelle Constitution qui garantit, en théorie, les libertés individuelles, les classes minoritaires tunisiennes continuent à faire l'objet d'une réelle chasse aux sorcières: des homosexuels aux consommateurs de cannabis, sans oublier tous ceux qui vivent en concubinage, la liberté en Tunisie n'est ni indivisible ni indissociable et encore moins irréversible; elle est en état de liberté conditionnelle.