Ennahdha est fâchée. Mais alors, très fâchée contre le chef du gouvernement, Habib Essid. Et ennahdha a de plus en plus de mal à cacher, finesse du jeu politique oblige, ses sentiments à son encontre. Il faut croire qu'Ennahdha a trouvé un adversaire à sa taille, en rapport avec la ruse politique et le stratagème. Et il semble qu'elle commence à regretter le jour où elle a mis la main dans la main avec cet adversaire, leurrée qu'elle aura été par son âge avancé et son allure de petit gentilhomme. Car en face de Beji Caïed Essebsi, puisque c'est de lui qu'il s'agit, Ennahdha et ses fins stratagèmes font figure de pitoyables apprentis sorciers. Les « frères » ont, un moment cru, qu'en imposant leur présence à BCE, dans le gouvernement, et dans les coulisses des décisions, ils allaient pouvoir tout contrôler. Ils voulaient, en imposant un ministre fantoche, et une poignée de secrétaires d'Etat, faire d'une pierre, deux coup : D'un côté, et c'était tant mieux, ils allaient donner un sacré coup au flanc de leur « partenaire-adversaire », en retournant contre lui la majorité de sa base électorale et une grande partie de ses leaders et ses alliés, et d'un autre côté, çà leur permettait de garder un œil, et de dresser une oreille sur tout ce qui se prépare et se concocte dans les coulisses du gouvernement, et notamment dans les conseils des ministres, et qui pourrait être de nature à leur faire du tort et leur porter préjudice. Et tout a roulé comme ils le désiraient, puisque leurs protégés infiltrés dans les administrations ont continué à faire la pluie et le beau temps, puisqu'aussi, les « affaires » qui pouvaient les embêter n'ont pas été abordées par le gouvernement actuel, puisqu'ils continuaient, apparemment à avoir une emprise sans failles sur l'appareil judiciaire, ce qui leur préservait une impunité pour les méfaits et autres crimes, financiers et autres (et surtout, autres), commis lors de leur passage au pouvoir, puisqu'ils continuent au grand désarroi de tout le monde à « dicter » la politique étrangère du pays dans le sens qui leur sied à eux et à leur confrérie, et pour éviter que la Tunisie ne rétablisse trop vite des relations diplomatiques avec des pays qui pourraient divulguer des secrets qu'il ne fallait pas savoir... Tout çà, en attendant les prochaines élections qu'ils avaient commencé, dès le lendemain des précédentes à préparer, en attendant de se refaire une virginité après leur passage catastrophique par la case « pouvoir », et, surtout, en espérant maintenir en place un système qu'ils avaient installé pour leur permettre de gagner, les yeux fermés, les prochaines échéances. Mais c'est, justement, là que BCE, mine de rien, n'était, apparemment, pas d'accord. Et son chef du gouvernement, mine de rien lui aussi, a commencé à s'entêter et à ne plus rien vouloir entendre ni comprendre. Ce qui a eu pour conséquence de mettre les frères sur les dents, et de les faire sortir, petit à petit de leurs gonds. En effet, Habib Essid, semble être devenu sourd à leurs rappels à l'ordre, et semble avoir « dérapé » sur une pente catastrophique pour eux, sans aucune tendance au freinage, ni à un quelconque virage. Habib Essid a, et à leur insu, puisque cela n'a pas été discuté en conseil des ministres, ni ailleurs, décidé de saper leurs « garanties » de gagner les élections, en leur coupant l'herbe sous les pieds, et en défaisant, pièce par pièce, tout le système diabolique qu'ils avaient érigé pour se garantir un retour certain au pouvoir, et cette fois-ci, pour de bon. Habib Essid s'est, au début, intéressé aux soi disant associations caritatives et autres combines qui leur permettaient de disposer de fonds financiers sans limites, ce qui leur permettrait de disposer de la volonté de quelques citoyens sans scrupules qui seraient prêts à « vendre » leur vote moyennant finances. De façon à ce que, désormais, ils vont avoir assez de mal à recevoir et à mobiliser ces fonds venant de l'étranger. Ensuite, et c'est là que c'est devenu exaspérant pour eux, il a, d'un seul coup, et subitement fait sauter tous les délégués qu'ils avaient installé dans les régions pour veiller à manipuler les élections dans le sens de leur victoire. Et ce n'est pas tout : Il a, aussi, et en même temps, écarté les imams qu'ils avaient confortablement installé dans les mosquées et qui ne reculaient devant aucune occasion pour leur faire de la propagande. Du coup Ennahdha n'en peut plus de subir, mais ne voit pas, pour le moment, comment elle peut réagir, sans casser le système qui lui permet de subsister. C'est pour ces raisons, que nous avons ces derniers jours, l'impression qu'Ennahdha s'engage, plutôt, dans l'opposition que comme un parti de la coalition au pouvoir, et qu'elle multiplie ses sorties médiatiques et ses déclarations hostiles à ces derniers « remaniements », suivie en cela, par certains autres partis qui imitent, à la limite, bêtement, sans saisir l'importance des enjeux. C'est assez aigu, mais aussi assez délicat. Et à situation pareille, on ne peut qu'en craindre les conséquences pour le pays, de la part de parties politiques habituées à gérer ces périodes de crises « existentielles » par... la violence !