L'assurance agricole ne représente que 2,78% du chiffre d'affaires global du marché des assurances tunisien en 2007. Malgré une batterie de mesures ayant allégé le coût de la couverture des divers risques agricoles, cette branche reste encore boudée. C'est qu'elle est toujours perçue par la population cible comme une option viscéralement liée à l'accès aux crédits bancaires et aux subventions étatiques. Une perception motivée essentiellement par le morcellement des terres agricoles et un manque flagrant d'une culture de prévoyance chez les agriculteurs, notamment les petits exploitants. L'assurance agricole demeure le parent pauvre du secteur des assurances en Tunisie. Sa part dans les émissions globales du secteur s'est limitée à 2,78% en 2007. Un taux dérisoire en comparaison avec une moyenne avoisinant les 60% en Europe et en Amérique du Nord. En effet, le montant total des primes d'assurances émises dans toutes les branches en 2007 a atteint 878 millions de dinars (MD). 24, 4 MD seulement ont été destinés à la couverture des risques agricoles. La part de la Caisse Tunisienne d'Assurances Mutuelles (CTAMA) dans ces émissions est de 92 %. La moyenne annuelle des indemnisations des sinistres agricoles a été de 10 MD entre 1996 et 2006. Pour l'année 2007, le total des règlements des sinistres agricoles a dépassé 11,5 MD, dont 87,5% ont été réglés par la CTAMA. Ces règlements couvrent tous les risques agricoles tels que la grêle, l'incendie des récoltes, la responsabilité civile de l'agriculteur, les risques corps de pêche et l'assurance santé pour les salariés agricoles et les exploitants. Le nombre d'agriculteurs assurés est d'environ 40 mille, ce qui représente à peine 7,75 du nombre total des exploitants. Le nombre des agriculteurs adhérents à la CTAMA est de 35 mille, soit environ 87, 5% des agriculteurs assurés et 6% du nombre total des exploitants agricoles. Les statistiques de la CTAMA montrent que les agriculteurs du nord-ouest sont les plus conscients de l'assurance, avant ceux du centre et enfin ceux du sud du pays, et en raison d'une prévalence plus importante de risques climatiques (sécheresse, grêle, incendies .) dans ces régions. 70% des agriculteurs non assurés sont toutefois touchés par les risques de chute de grêle et d'incendie. Pourtant, les incitations au développement de la branche ne manquent pas. « Au début des années 2000, les autorités ont entrepris une refonte générale de l'assurance agricole en vue d'aider d'une part, les assureurs à offrir des produits d'assurance plus adaptés à la demande et d'autre part les agriculteurs de bénéficier d'un coût raisonnable", souligne Brahim Kobbi, président de la Fédération tunisienne des sociétés d'assurance (FTUSA). Selon M. Kobbi, la réforme a porté essentiellement sur le rapprochement des services d'assurance de l'agriculteur, la vulgarisation des dispositions du contrat d'assurance, la détermination au préalable du taux de dédommagement et l'intégration du coût de l'assurance dans le schéma de financement du projet agricole, outre l'encouragement des agriculteurs à adhérer au régime d'assurance groupe afin de réduire les coûts. « Malgré ces efforts, l'assurance agricole est restée le parent pauvre du marché des assurances avec une contribution aux émissions globales située entre 2 et 3%", déplore le premier responsable de la FTUSA. Une nouvelle réforme a été annoncée par le Président de la République lors de la célébration du 20ème anniversaire du Changement, suite aux recommandations soumises au gouvernement par les participants à une conférence nationale sur l'avenir de l'assurance agricole organisée en octobre 2007. Les décisions présidentielles ont porté sur la généralisation de l'exonération de la taxe unique sur l'assurance à l'ensemble des entreprises d'assurance intervenant en matière de couverture des risques agricoles, la réduction de 40% des tarifs appliqués sur la couverture du risque de chute de grêle et d'incendie pour les grandes cultures et l'arboriculture dans les régions les plus exposées à ces risques et de 30% pour les risques de mortalité de bétail. Pour les autres branches d'assurance, la réduction a atteint 20% des primes d'assurance au profit des agriculteurs adhérents à un contrat collectif d'assurance ou ceux qui souscrivent des contrats individuels renouvelables pendant une durée de trois ans. Les réformes ne se sont pas arrêtées là. Un conseil ministériel consacré au secteur agricole, tenu le 12 mai 2008, a décidé la prise en charge des cotisations d'assurance agricole au titre des prêts destinés au financement des campagnes des grandes cultures durant une période de trois ans et d'une manière dégressive pour les risques d'incendies et de chute de grêle. Malgré toutes ces mesures incitatives, les autorités n'ont pas constaté une forte progression du nombre d'agriculteurs assurés. L'UTAP explique la faiblesse des adhésions des agriculteurs à l'assurance par le phénomène du morcellement des terres agricoles qui représente un obstacle de taille devant une catégorie importante de petits agriculteurs. Les terres de moins de 5 ha représentent en effet 53% du nombre total des exploitations agricoles. Outre ce facteur, Mansour Nasri, directeur général de la CTAMA, estime que le deuxième grand handicap réside dans le manque flagrant d'une culture de prévoyance séculaire chez les agriculteurs. D'après les sondages réalisés par l'Union Tunisienne de l'agriculture et de la pêche (UTAP), près de 50 % des agriculteurs ne sont pas conscients de l'importance de l'assurance agricole. Selon la même source, près de 80% des agriculteurs recourent à l'assurance pour bénéficier de crédits bancaires ou encore de subventions étatiques. Selon le responsable de l'unique compagnie d'assurances tunisienne spécialisée dans l'assurance agricole, l'une des meilleures pistes à même de développer davantage la branche en Tunisie consiste en la mise en place d'un plan d'assurance sécheresse d'autant plus que ce fléau constitue la première préoccupation des agriculteurs tunisiens. Cet avis est partagé par une étude réalisée par Maxula Bourse sur le secteur des assurances en Tunisie. « Il serait important d'instaurer une assurance couvrant les risques inhérents à la sécheresse, fléau fréquent dans notre pays, et qui constitue une menace réelle pour le secteur agricole à moyen et à long terme », note l'intermédiaire à la bourse de Tunis. La même étude met également l'accent sur l'apport positif attendu de l'entrée sur le marché tunisien d'un important acteur européen bénéficiant d'une expérience indéniable dans ce domaine, en l'occurrence le groupe français Groupama qui avait finalisé récemment son mariage d'intérêt avec la Société Tunisienne d'Assurance et de Réassurances (STAR). Le géant français a d'ailleurs promis de faire bénéficier la compagnie tunisienne de son expertise dans la branche agricole et, plus généralement, de révolutionner le marché des assurances en Tunisie.