Il y a de cela deux ans, la Tunisie a connu ses premières élections, un processus démocratique qui a abouti à une dictature naissante. Celle de l'ignorance arrogante, de l'incompétence hautaine et de l'incapacité outrecuidante. Deux ans que notre pays pâtit des choix de mes compatriotes et que les islamistes et autres partis alliés propulsés au pouvoir après les années de militantisme souterrain sévissent, ruinant au passage économie et modèle de société. Octobre 2011, un mois qui a connu une effervescence générale en Tunisie, une période qui marquait une rupture avec un système aboli depuis l'avènement de la révolution. Lors des premières élections démocratiques, celles du 23 octobre en l'occurrence, beaucoup de Tunisiens déposaient, pour la première fois de leur vie, un bulletin dans une urne susceptible de donner à leur pays la direction qu'ils auraient décidé qu'il prenne. Des élections, il y en avait eu à l'époque de Ben Ali, mais ce processus pseudo démocratique ne leurrait plus personne, malgré un système de communication national et international sournoisement ingénieux. Les Tunisiens ont cru ce jour-là, en majorité, à un changement possible à plus d'un niveau. Ils ont cru que le pays ayant acquis sa liberté saurait s'ériger en exemple parmi des nations pâtissant encore de la dictature, saurait reconnaître et faire connaître ses compétences et pourrait profiter de son bond dans la grande Histoire pour se tracer un chemin parmi les grandes nations. Ils ont cru que le Tunisien, sorti grandi de son combat prométhéen avec la tyrannie, pouvait faire naître du feu révolutionnaire une lumière susceptible d'éclairer les générations à venir, que l'éducation s'améliorerait, que les mauvaises habitudes disparaitraient, que les politiciens seraient honnêtes et que l'élite serait moins nombriliste. Octobre 2013, deux ans de désenchantement sont passés par là... deux ans de bataille donquichottienne contre un système qui a mouliné de grands rêves et brassé du vent. Un système qui a pleinement profité à ceux que les plus naïfs ont propulsés au pouvoir ainsi qu'à leurs souteneurs au moyen de postes dans l'administration publique et autres sommes d'argent accordées aux militants d'hier. Sans qualification, mais seulement par complaisance, beaucoup ont été récompensés avec des postes clés, suscitant colère populaire quant à l'émergence d'une classe parasitaire dont les pratiques rappellent à s'y méprendre les pratiques de ceux qui entouraient Ben Ali. Deux ans que les pauvres le sont davantage, que les démunis errent dans les rues de la ville le front baissé et la main tendue, que les poches se vident et que tous s'appauvrissent y compris l'Etat. Deux ans et deux assassinats politiques voire davantage. L'opposant Chokri Belaïd et le député Mohamed Brahmi ont été assassinés pour leurs idées, pour leurs crédos et pour le symbole qu'ils incarnent. Lotfi Nagdh, dirigeant régional d'un parti de l'opposition, a été battu jusqu'à la mort au milieu d'une foule complice. Des Tunisiens tués par des Tunisiens que l'endoctrinement a rendus étrangers à ce pays réputé pour sa tolérance et sa mansuétude. Deux ans que des défenseurs de la nation, membres du corps sécuritaire, sont menacés, blessés, assassinés. Que des familles sont éplorées et que tout un peuple est désabusé par des images auxquelles il n'était pas habitué : celles d'agents et cadre de la Garde nationale lâchement visés, celles de militaires égorgés et de deuil national à répétition. Deux ans que la liberté d'expression ne suffit plus pour dire la colère du peuple, que pour un œuf jeté sur un ministre par un comédien, des journalistes se sont retrouvés en prison, que les dirigeants autrefois éloquents sont devenus muets, que l'opposition parle beaucoup, mais ne peut presque rien faire. Afin de rectifier un parcours électoral qui a tourné en défaveur des électeurs et qui a mené le pays à sa perte et les acquis de la révolution à épuisement, un nouvel aiguillage s'opère depuis peu. Dialogue, quartette, troïka, dualité des déclarations, égocentrisme dans les agissements, un contexte politique des plus particuliers marque le paysage politique tunisien qui a connu les affres de la pluralité. Une Tunisie, qui, deux ans après, n'en a pas fini de sombrer, mais qui n'ignore pas que la bataille est ardue et que le changement n'est pas pour demain. Deux ans déjà... l'histoire continue, ses rebondissements, aussi. Mais l'Histoire ne s'écrit pas en deux ans !