William Shakespeare a écrit : « juger autrui, c'est se juger ». Bien qu'ils ne soient pas dans l'ignorance de qui est ce grand poète et dramaturge, les élus du peuple ont laissé paraître des défaillances dans leur quart d'heure de jugement du gouvernement de Mehdi Jomâa. Ce dernier s'est trouvé, dans le cadre d'une séance plénière à l'Assemblée nationale constituante, sur le banc des jugés, sous les regards critiques et, par moments, acerbes des députés de tous bords. Néanmoins, il faut reconnaître que c'est leur rôle de mettre à nu certaines vérités qui dérangent et de donner une avoine en signe de garde maintenue. Il faut reconnaître, à l'avenant, que les élus du peuple n'ont pas lésiné sur la critique allant jusqu'à frôler le pamphlet. Les membres du cabinet Jomâa, encore novices sur la scène politique, dissimulaient maladroitement leur intimidation ainsi que leur malaise sans pour autant accéder au droit à la réplique. Les interventions des élus à l'adresse d'autres qui dérapent, par moments, qui étonnent par d'autres et qui indignent, en certaines occasions, l'élu en est devenu immunisé. Il a appris, de par l'expérience et l'usure, à gérer ses divers états d'âme en réaction aux interventions parlementaires. Cependant, à la séance plénière consacrée au vote de confiance au gouvernement de Jomâa, les interventions du genre ont mis mal à l'aise les invités de marque. Ne s'y attendaient-ils pas à pareils coups d'offensive de la part de députés, dans l'essence, convenus à accorder leur confiance. Mais c'était sans compter sur la bienveillance de certaines âmes charitables et bien fouineuses qui n'ont pas hésité à révéler certains points obscurs qui pourraient entacher le parcours de certains des élus de Jomâa. Ces points obscurs, avec raison, ont fait lieu de manivelle pour remonter d'un cran les critiques des parlementaires jusqu'à menacer l'investiture du nouveau gouvernement. Il faut croire, que les députés étaient bien dans leurs rôles hier. Ils ont fourré leur nez dans les affaires des présumés futurs ministres et secrétaires d'Etat, dans le but d'accorder leur vote sur de bonnes bases. En d'autres mots, pour ne pas se faire avoir et faire face, par la suite, à des incompétents ou des indignes de confiance. De ce fait, les députés ne sont guère à blâmer à s'être mis à gribouiller leurs critiques sur des bouts de papiers qu'ils ont eu le plaisir de lire devant un auditoire attentif. Peut-on, tout du moins, reprocher à un député de nous ouvrir les yeux face à un danger qui guette la nation ? Bien évidemment que non. Où est-ce donc le hic ? Pourquoi Mehdi Jomâa a-t-il eu même besoin d'intervenir, hors de son espace, pour freiner, un tant soit peu, les critiques au devenant acide ? Voici pourquoi : certains des élus intervenus, de différentes sensibilités politiques, n'ont pas eu le chic de soigner leurs verbes, ils n'ont pas eu d'égards à la circonstance et ont cru discourir à une plénière ordinaire entre collègues. Bien sur, il n'est pas question de se voiler la face et emprunter un soupçon de délicatesse pour faire bonne figure face à un gouvernement de jeunes compétences confirmées. Mais l'adage le dit si bien : « à toute situation, son discours ». Ils sont tous des pointures, de grosses pointures, dans leurs domaines respectifs, à l'échelle nationale et internationale, et que demanderait le peuple de plus ? La Tunisie n'a-t-elle pas, à juste titre, un besoin criant de compétences au service de sa relance économique et de son développement ? Alors pourquoi donc s'attarder sur des détails du genre : une escale à Tel-Aviv, ou une ancienne collaboration pas trop honteuse sous l'ancien régime ? Et par-dessus le marché, s'attaquer aux nouveaux ministres, en se fondant, sur ces détails, ferait-il montre d'une grande perspicacité de la part de nos élus ? Il y a là doute ! Et si les élus veulent insister autant à pointer du doigt ces détails. Soit. Néanmoins, ont-ils le droit de le faire, eux qui ne peuvent se pavaner avec leurs éventails de diplômes et d'accomplissements à l'international? Bien sûr qu'ils en ont le droit, mais pas de manière incongrue et quasi impolie Ce sont les élus du peuple, choisis par le peuple et pour le peuple. Oui, mais seulement voilà, c'est parce qu'ils représentent le peuple, qu'ils doivent le faire aussi respectueusement et aussi dignement que possible. A entendre Brahim Gassas, député indépendant et ancien Nidaa Tounes, dans le choix de ses mots, attaquer la ministre du Tourisme, on pense bien que la simple représentation, à elle-seule, ne suffit pas pour octroyer le droit à un élu de dégringoler aussi bas dans sa critique. Ces ministres ne sont pas parfaits. Ils ne représentent pas la perle rare non plus. Mais ces ministres sont dotés d'un savoir-faire reconnu dans la sphère internationale et matérialisé par des diplômes hautement gradés. Ces ministres ont conçu le sacrifice d'une carrière illustre et un joli pactole alimentant leurs comptes bancaires, pour le seul amour de la patrie et du service de la patrie. Répondre à l'appel du devoir. Oui, tous ces clichés à l'eau de rose qu'on a de cesse d'affleurer pour attendrir les cœurs. Pourtant c'est la vérité. Il ne faut pas croire qu'être nommé ministre dans un gouvernement qui prend la place de celui d'un Laârayedh, relève d'une mission accessible. Et l'on serait carrément tenté de dire, que les sacrifices de ces ministres, depuis leur pré-investiture, ne s'est pas faite attendre : ils ont dû assister à des interventions les épinglant, des heures durant, sans la moindre chance de réplique. Et le pire encore : les élus qui ont mené la croisade contre certains ministres, ont eu l'air de dire que ces détails fâcheux sont la seule chose contraignante qu'ils ont contre le nouveau gouvernement, pour motiver un vote négatif ou une abstention. La seule arme qu'ils possèdent. Bien sur. La seule arme, car ces élus n'ont pas suffisamment de courage ou de savoir-faire pour critiquer à front égal. Et il importe de dire qu'il ne s'agit pas, forcément, de nombre de diplômes acquis. La question va au-delà de cette logique. Une frange de députés n'a jamais rêvé, un jour, investir un siège au parlement. Ils s'y sont retrouvés, par hasard et ont appris la politique sur le tas. Cela a réussi à certains, mais pas à d'autres. Ces derniers ont eu beau gagner en popularité auprès du peuple et de la sphère politique et civile, la caractéristique réductrice de leur savoir-faire continue à prendre le dessus. Un célèbre blogueur a écrit sur sa page officielle Facebook, rebondissant sur l'humiliation de certains ministres par quelques élus, qu'il est révoltant de voir, en dépit de tous les sacrifices présentés par le cabinet de Jomâa, que des députés « ignares » et « clochards » s'en prendre à des grosses pointures et mettant en doute leur patriotisme. Au lendemain de leur élection et leur investiture à l'Assemblée nationale constituante, les 217 élus ont fait l'objet de multiples critiques et objections. Il faut croire, qu'il est difficile de convaincre un citoyen de l'efficacité d'un système qui élit un chauffeur de louage au poste de député au parlement pour rédiger une nouvelle Constitution. Et c'est le cas de le dire, ces élus, jadis des inconnus défoncés dans leur quotidien amer et sans couleurs, ont pris de l'assurance et de la confiance. Ils ont fini par croire qu'ils se placent au dessus de tous et au diable le savoir-vivre et le savoir-faire, la Constitution n'en a pas besoin !