Par Lassaâd BEN AHMED Pour sauver la saison touristique, on brade donc les prix, on diminue les taxes et... on continue à s'accrocher à de faux espoirs. L'espoir de redessiner la belle image d'hôtels archicombles de touristes de toutes nationalités, l'espoir de voir un secteur touristique qui se maintient dans un contexte de rude concurrence, sur le pourtour méditerranéen, et l'espoir d'une valeur ajoutée qui va au-delà de la simple création d'emplois, saisonniers en majorité... C'est ainsi dire que le tourisme tunisien mérite aujourd'hui doublement la compassion. C'est un secteur qui suffoque déjà depuis plus d'une décennie du fait qu'il est resté en grande partie tributaire du tourisme de masse, associé aux plages et au soleil, ce qui l'a contraint de baisser considérablement les prix, parfois même en deçà du prix de revient. Et l'attaque du Bardo puis de Sousse de briser la lueur d'espoir de sauver l'exercice 2015, souffrant déjà d'une baisse des investissements et d'un recul des récoltes agricoles. Et le gouvernement de réagir rapidement aux cris de détresse lancés par les professionnels pour essayer d'atténuer l'impact catastrophique, non seulement pour le tourisme, mais aussi pour tous les secteurs connexes et surtout pour l'image du pays, ternie, on ne sait pour combien de temps. Un journal français parlait déjà de l'installation de l'Etat islamique en Tunisie ! Les mesures annoncées par le gouvernement ont suscité la polémique, insuffisantes, sans vision et trop coûteuses pour le contribuable. Et puis, que peut faire un gouvernement, qui est là depuis à peine quelques mois, pour un pays déjà en souffrance, sinon, veiller à sauver le gagne-pain de quelque 400 mille familles. Au fait, la Tunisie paye aujourd'hui le tribut d'un choix qui date des premières décennies de l'indépendance. Le choix de bâtir une économie sur les services et sur la rente, rapide mais fragile, du tourisme balnéaire. Cela a pourtant donné ses fruits des années durant, mais des signes d'essoufflement ont commencé à émerger bien avant le soulèvement de 2011. Et le secteur a entamé tout un programme de diversification des produits, d'où le tourisme de santé, le tourisme culturel, le tourisme d'affaires , etc. Cependant, l'activité balnéaire est restée la principale branche du secteur, qu'il s'agisse d'emploi, d'investissement ou de nombre de nuitées. Pourtant, c'est une activité qui ne rapporte plus. A 30 euros par nuit et par personne, on peut s'offrir un séjour en quatre étoiles. Or 30 euros, ça ne couvre même pas la consommation d'eau. Chez certains concurrents, les prix sont de loin plus élevés, compte tenu de la qualité des services, de l'innovation et de bien d'autres options qu'on n'a pu encore développées jusqu'à ce jour. C'est dire que le secteur est obligé de vivoter tant bien que mal, pour sauver d'abord les emplois, mais surtout pour continuer de créer une dynamique dans le commerce lié au tourisme, et de drainer des recettes supplémentaires en devises. Or aujourd'hui, avec les menaces sécuritaires, il serait peut-être inopportun de continuer à soutenir un secteur mourant et qui fonctionne à perte. C'est plutôt la Tunisie qu'il faut sauver de ce tourisme archaïque vers un tourisme plus innovant et plus rentable. Les finances de l'Etat obligent.