Embarqués dans leur gestion irrationnelle et risquée, les dirigeants doivent avoir des garde-fous financiers pour arrêter ce fiasco. L'une des politiques les plus efficaces que l'Uefa a prises en 2010 est celle de mettre de l'ordre dans le football professionnel européen. Ceci en instaurant une charte composée de règles financières qui «obligent» les clubs à respecter les normes financières d'équilibre et de solvabilité. En vertu de ce «fair-play» financier, les clubs doivent proportionner leurs dépenses (notamment sur le mercato) par rapport à leurs revenus. Ils n'ont pas le droit de dégager un déficit et par la suite une perte au-delà d'un certain seuil. Ce qui compte, c'est d'être équilibré financièrement et solvable vis-à-vis des parties prenantes, telles que joueurs, entraîneurs et Etat. A cet égard, le PSG et Manchester City ont payé cash leurs mauvaise gestion financière, expliquée entre autres par des engagements fous sur le mercato et par une énorme masse salariale. Ils ont été contraints de décimer leur effectif et d'avoir un plafond de déficit et de montants investis sur le mercato. Ces règles de fair-play financier sont très strictes : il faut qu'il y ait équilibre entre les dépenses et les revenus avec un déficit plafonné à 5 millions d'euros (et qui peut être supérieur...). Les pertes ne doivent pas dépasser 45 millions d'euros pour les clubs sur les exercices 2013/2014 et 2014/2015. Ça s'applique à tous les clubs et les sanctions sont diverses (blâmes, amendes, interdiction de recrutement et d'inscription des joueurs aux compétitions Uefa...). Et même si le PSG a été «blanchi» et autorisé à rentrer de nouveau sur le marché des transferts, il le fait avec de nouvelles règles et pas avec la folie d'avant. Ses états financiers satisfaisants ont permis au club parisien de résorber son déficit et de générer des bénéfices. Mais encore, faut-il être «sage» et ne pas prévoir de budget illimité. Aucune comparaison Ce fair-play financier de l'Uefa a également contribué à diminuer l'écart entre les clubs riches et les autres. Ce n'est pas parce que le club a beaucoup de moyens financiers et qu'il compte sur un actionnariat large et des sponsors solides qu'il peut tout se permettre sur le mercato. Le fair-play financier a permis, en bonne partie, de voir plus de concurrence entre les clubs européens. Le cas tunisien ? La comparaison n'a aucun sens. Nos clubs vivent encore dans un statut hybride. Ils sont professionnels sur le papier depuis 1994, mais il n'ont pas le statut de sociétés sportives : pas d'actionnaires, activités économiques «marchandes» sous couvert de textes flous depuis 2011, aucun contrôle de gestion (la structure DNCG au sein de la FTF est paralysée), pas de paiement d'impôts, salaires et avantages pour joueurs illimités, confusion entre le patrimoine du club et celui du président bailleur de fonds... Les anomalies financières et managériales sont incroyables. Le plus grave, c'est que les clubs tunisiens dépensent sans limites, sans respecter des normes de sécurité financière et sans être solvables. Même les clubs riches vivent une spirale inflationniste et une accumulation de dettes et de déficit due à des dépenses exagérées sur le mercato et au niveau de la masse salariale et à des revenus de plus en plus rares. Et le plus beau, c'est que ces présidents de clubs (la plupart on va dire), qui n'arrivent pas à gérer leurs finances et à éviter les pertes et l'insolvabilité, réclament, en toute insolence, l'appui du ministère des sports : on réclame des subventions pour payer ses dettes envers les joueurs, et pour commencer la saison, faute de revenus. Pas de billetterie, pas de sponsors, pas de mécènes généreux et pas de concours publics, ils ont toujours de quoi expliquer leurs difficultés financières. Mais ils oublient également leurs folies financières, leur passivité devant les supporters et des pseudo joueurs payés au moins 15 fois le Smig. Vivant dans l'impunité, engageant leurs clubs dans des gouffres pénibles, ils menacent la tutelle de boycotter la reprise s'ils ne sont pas subventionnés au plus vite. C'est l'énième bras de fer entre les clubs (représentés par la fameuse amicale des présidents de clubs, une structure officieuse et qui n'a aucune légitimité) et la tutelle et à chaque fois la tutelle (qui a plusieurs chantiers dans le sport) se plie et verse l'argent du contribuable pour escamoter les défaillances des présidents de clubs. La dernière affaire concerne la CNSS qui réclame aux clubs presque un million de dinars au titre d'arriérés (non versement de cotisation). Et comme d'habitude, nos clubs font la sourde oreille. Ils ne veulent pas être contrôlés, ils ne veulent pas que leurs adhérents leur demandent des comptes, ils refusent les règles de transparence et d'équilibre financier, ils veulent dépenser sans limites et compter toujours sur l'Etat pour venir à leur aide... n'est-il pas temps d'instaurer le fair-play financier en Tunisie ? Sinon, on va sûrement vers un blocage d'un système mal conçu...