Dans le contexte actuel, alors que la frontière entre la Tunisie et la Libye vit au rythme de la construction d'un mur de protection, les journées du documentaire de Douz, baptisées Douz Doc Days (12 – 17 octobre 2015), se présentent comme un véritable challenge pour affirmer le rôle salutaire de la culture audiovisuelle dans le projet de développement régional. Les préparatifs en cours annoncent une 5° édition haute en couleur. Mais aura-t-elle lieu ? Une rencontre prévue avec le réalisateur libyen Tarek Aboubaker el Houni, faisant de la Libye un invité d'honneur, permettra de découvrir à travers ses documentaires de styles différents des aspects insoupçonnés du cinéma libyen. En avant-première mondiale, on nous annonce un documentaire sur le dromadaire réalisé par François Brey et Patrice Desenne. Il s'agit, en réalité, d'une série de trois documentaires intitulée Le retour des camélidés dont la diffusion est prévue, trois jours de suite, en automne prochain, sur la chaîne franco-allemande Arte. Cette collection réunit pour la première fois l'ensemble des camélidés : dromadaire, chameau, lamas, alpagas, vigogne et guanaco. L'objectif est de mettre en avant leur très longue histoire, leur faculté d'adaptation et leur rôle pour les peuples du désert. Dans l'épisode consacré au dromadaire qui sera présenté à Douz, en avant-première, en présence de journalistes français, une importante séquence est consacrée à l'oasis de Douz, à son poète Belgacem Abdellatif et à son festival. La promotion du film qui sera dévoilé pour la première fois dans le contexte même où il a été tourné, se veut un hommage à la « Porte du Désert » et à ses habitants ainsi qu' une occasion de développer le tourisme saharien. Ce n'est pas la seule surprise que nous réserve la 5° édition de ce festival dédié au documentaire. Patience, patience t'iras au paradis de la journaliste belge Hadja Lahbib est un regard tendre, complice et plein d'humour sur le combat de femmes maghrébines pour s'adapter à la vie bruxelloise tout en préservant l'identité de leur culture d'origine. Le bouton de nacre du maître chilien, Patricio Guzmán, constituera la pièce maîtresse du programme. De quoi parle Le bouton de nacre ? De l'eau ? De l'espace ? Du Chili ? Du coup d'état de Pinochet ? Du sort des indigènes de Patagonie? La réponse est : de tout cela à la fois ! Comme dans son précédent film La nostalgie de la lumière, (également présenté à Douz lors de la 2° édition), tout le talent de Guzmán consiste à brasser des éléments épars, dans un ensemble incroyablement cohérent et fluide comme l'eau dont il est question, ce qui fait de ce documentaire un tour de force narratif, un moment de bravoure cinématographique, mis en scène par un auteur au sommet de son art. Distingué à la dernière Berlinale, Le bouton de nacre sera présenté en plein air au musée du Sahara de Douz. Cette méditation politique qui nous entraîne poétiquement dans le cosmos prendra ainsi une signification particulière sous la voûte céleste. Mais ce n'est pas tout ! La compétition nationale s'annonce riche avec huit longs et moyens métrages et huit films courts. La liste définitive des films en compétition sera rendue publique le 1er octobre lors d'une conférence de presse, mais des indiscrétions filtrent déjà. On nous parle de la sélection du documentaire que Nidhal Chatta a tourné en Inde pour relater l'invention du zéro aux heures de gloire de la civilisation arabe et du film de Hamdi Ben Ahmed, Le dernier nomade qui évoque une communauté de pasteurs ballottée entre la Libye, l'Algérie et la Tunisie.A propos de transhumance, un cycle de films illustrant le thème du nomadisme pastoral permettra d'aborder la notion de citoyenneté chez les nomades dans différentes régions du monde. Cette rétrospective sera accompagnée d'une exposition du photographe Wassim Ghozlani sur le même sujet. Une présentation en ciné-concert du Fils du Cheikh datant de 1926, une table ronde intitulée Filmer le Sud, Filmer au Sud, une conférence sur les peintres voyageurs du 19° siècle face au désert et un concours de photographies appelant les femmes de Douz à représenter leur environnement immédiat, sont autant d'axes de programmation complémentaires pour poser la problématique de notre rapport à l'image qui continue à être l'apanage du Nord, et ce, tout en évoquant les enjeux de la représentation dans la relation entre Orient et Occident. Des ateliers, des master class, une résidence d'écriture, constituent la partie pédagogique du programme avec une carte blanche aux étudiants en cinéma de l'école d'art palestinienne de Bethléem et à ceux de l'Institut supérieur des arts et métiers de Gabès. Toute cette variété converge pour alimenter une ligne éditoriale d'une remarquable pertinence qui s'impose comme un exemple d'adaptation à une région où le cinéma s'érige peu à peu comme une digue face à la désertification.