Tant que les plaies du passé sont encore ouvertes, la sélection ne saurait entreprendre sa reconstruction... Crise d'identité, crise de gestion et absence d'horizon, la sélection a très longtemps cumulé les ennuis. Cela a dépassé largement le débat autour d'une équipe en pleine perdition. Aujourd'hui, la question essentielle est de savoir si l'équipe de Tunisie a encore de l'avenir face aux dérives de ses acteurs et, à défaut, de projet, ou encore d'ambition déclarée. Pour avoir vécu entre l'étroitesse de la vision et son absence, elle a rarement réussi à défricher plus loin. Il n'est pas question de suivre le courant dans lesquel baignent, depuis de longues années, les commentaires et les réflexions formulés ici et là. Simplement, la sélection ne peut plus continuer à être gérée suivant les humeurs et les intérêts des uns et des autres, ou encore à demeurer la «propriété» de certaines personnes qui s'érigent en protecteurs, au nom de l'intérêt supérieur du football tunisien. Au fil du temps, ils sont devenus les catalyseurs d'une inutile paranoïa, le moteur d'une potentielle fébrilité et au final, l'incarnation d'un manque de dimension. Evoquer aujourd'hui les problèmes de la sélection, c'est provoquer les fantômes du passé. Mais c'est aussi le devoir de pointer ce que nous considérons comme des erreurs, des manquements ou des dérives. Les travers sont nombreux et bien connus: incompétence, manque de légitimité et dans tous les cas de figure fragilité de ceux qui veillent aux destinées de la sélection. Personne n'en est exempt: fédération, sélectionneurs, direction technique et bien entendu joueurs. L'absence de résultats, dont les origines remettent profondément en cause la vocation de l'équipe, fait écho à une réelle crise de gouvernance. En revanche, ça serait tellement mieux si on utilisait pour une fois le sens de la formule pour faire toute la lumière plutôt que de l'éteindre. Dans un énième rebondissement, un nouveau sélectionneur vient de débarquer. On lui reconnaît encore le mérite de connaître les rouages de la sélection, d'avoir participé aussi à y insuffler une dynamique et de nouvelles méthodes de travail. Mais on ne saurait également oublier les déviations dans lesquelles il était tombé à la fin de son parcours et spécialement lors de la Coupe du monde 1998 en France. Il faut dire que parfaitement instruits de leur fonction de fusible, la majorité des entraîneurs qui se sont succédé à la tête de la sélection ne pouvaient pas décemment bâtir de programme sur l'immédiat et encore moins naviguer à vue. L'impératif de la construction oublié, ils étaient dans l'obligation de miser sur une conjonction immédiate de facteurs peu favorables pour obtenir des résultats et espérer durer un peu. Loin l'idée de repartir sur un nouveau cycle, on n'a pas encore vu un sélectionneur présenter un projet, une stratégie de travail susceptibles de redresser la barre. Alterner périodes et stratégie Le projet de reconstruction de l'équipe de Tunisie doit être aujourd'hui charpenté autour d'une réflexion portée par de grandes idées, à la fois classiques et modernes, et alterner périodes et stratégie. Mais tant que les plaies du passé sont encore ouvertes, la sélection ne saurait entreprendre sa reconstruction. L'histoire du ST nous a souvent offert de bien édifiants exemples de périodes et d'étapes. On doit savoir aujourd'hui que la responsabilité sportive est plus qu'un métier. Elle est d'abord don de soi. Avant d'affronter le Liberia, Kasperczak a annoncé avant-hier la liste des joueurs retenus pour ce match. S'il n'y a pas de grandes surprises dans le choix des sélectionnés, il convient de remarquer que l'ossature de l'équipe est désormais constitués de joueurs étoilés. Cela ne surprend guère et ne fait pas de polémique dans la mesure où ils sont aujourd'hui les plus en forme, notamment par rapport aux prestations et au rendement de joueurs d'autres équipes. Le sélectionneur ne peut pas ignorer tout cela. D'ailleurs, on ne peut que lui donner raison lorsqu'il compose son équipe autour de joueurs étoilés. Un constat qui ne manque pas de retenir l'attention : Kasperczak tend la main à certains joueurs qui ont été, à tort ou à raison, éloignés de l'équipe. Le cas de Msakni est révélateur. L'un des meilleurs joueurs de la génération actuelle a été ignoré ces derniers temps. On lui reproche une certaine nonchalance dans le rendement et un manque évident d'ambition. Mais quelles que soient les considérations et loin des excès de jugement, on ne conçoit pas une sélection sans Msakni. Cela peut paraître excessif pour certains, mais l'on n'hésitera pas à admettre que lorsque Msakni va, tout va... Autre constat qui ne manque pas aussi de signification: le sélectionneur n'hésite pas à manifester son emballement pour le jeune Mohamed Methnani qui évolue à Al Jaich au Qatar. Deux joueurs, mais deux registres différents. Methnani incarne la rigueur et la rationalité dans le jeu. Avec lui, la sélection pourrait acquérir l'équilibre qui lui avait souvent fait défaut. Cela ne manque pas de rappeler cependant une vérité: on joue comme on s'entraîne et le sélectionneur devrait avoir une empreinte dans le jeu, une influence sur les joueurs. Il y a des entraîneurs dont le travail, en plus de l'aspect technique, est également fondé sur l'établissement de bonnes et solides relations humaines avec les joueurs. Au fait, c'est une question de complémentarité et jamais d'exclusion. Kasperczak fera bien de faire jouer un football que les gens aiment regarder et que les joueurs aiment pratiquer...