En Tunisie, la fièvre typhoïde, la poliomyélite et tant d'autres maladies ont été éradiquées. Ce qui n'empêche pas d'être vigilant. Les mutations qui s'opèrent sur notre environnement national et international peuvent cacher des agents pathogènes... La santé de l'Homme et celle de l'animal sont-elles dépendantes de l'environnement ? Quel impact ont l'environnement et ses variables sur la santé publique et sur la cartographie épidémiologique dans le monde ? Pour répondre à ces questions, l'association Santé-environnement a organisé, samedi dernier, une table ronde pour débattre d'une question à cheval entre le sanitaire et l'environnemental, à savoir la corrélation entre les maladies émergentes et ré-émergentes, d'une part, et l'environnement, de l'autre. Dans son allocution de bienvenue, le Pr Noureddine Bouzouaya, infectiologue et PDG du pôle technologique Biotech-pole de Sidi Thabet, a éclairé l'assistance sur la définition des maladies émergentes et ré-émergentes. En effet, celles-ci sont des maladies qui réapparaissent d'une manière tout à fait inhabituelle dans le temps, dans l'espace, auprès d'une population donnée et dont la réapparition suscite, systématiquement, l'inquiétude auprès des scientifiques et des spécialistes pour les éventuels risques épidémiques qu'elle peut déclencher. Ces maladies ré-émergent en raison de la présence de plusieurs facteurs ou agents pathogènes. «Nous comptons 35 maladies nouvelles, émergentes et ré-émergentes qui sont favorisées par 1.500 agents pathogènes, dont 180 émergents et ré-émergents en rapport étroit avec les composantes de l'environnement. La santé animale, le mode de vie, la baisse du niveau de l'hygiène, mais aussi la déforestation, l'affluence excessive de la population sur le milieu urbain, le réchauffement climatique ; autant de changements qui sont à l'origine de l'apparition ou de la réapparition d'agents pathogènes et, donc, de nouvelles maladies et autres, ré-émergentes», explique l'orateur. D'où l'importance d'asseoir une plateforme institutionnelle de veille impliquant toutes les parties concernées et les sociétés savantes en vue de collecter les données en temps réel et de miser, efficacement, sur le préventif, «car le système de santé ne devrait pas se limiter au curatif mais s'appliquer à protéger la population grâce à la prévention», ajoute-t-il. Pour une détection avant et non après coup En 2008, un nouveau mécanisme de veille scientifique et d'évaluation de la situation épidémiologique avait vu le jour. L'Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes (Onmne) continue d'assurer ses missions en tâchant de regrouper le maximum de données épidémiologiques afin de prévenir précocement les éventuelles épidémies et mettre en place un système de détection précoce des maladies émergentes et ré-émergentes. Le Pr Nissaf Bouafif Ben Alaya, coordinatrice de l'Onmne, a parlé, lors de son intervention, des rôles de l'Observatoire dans l'investigation environnementale et épidémiologique des maladies vectorielles et émergentes. La mission de l'Observatoire consiste, d'abord, en une série de veilles spécifiques, dont la veille scientifique, épidémiologique, microbienne, environnementale, sanitaire et autre, internationale, dans l'optique de s'aviser des épidémies ou de la ré-émergence de certaines maladies. Ce système dit «d'intelligence épidémiologique» constitue le principal pilier de l'action des spécialistes qui, à partir des données recueillies, procèdent à l'évaluation et à la gestion des risques grâce à un travail d'investigation en temps réel. «Nous usons, dans notre travail, de la collecte des données auprès des parties concernées, notamment les institutions de la santé, de l'environnement, des médias, mais aussi auprès de nos partenaires internationaux. Notre objectif majeur consiste à mettre en œuvre un dispositif de détection précoce des événements épidémiologiques, soit une surveillance épidémiologique optimale. Ce qui entrave la réalisation de cet objectif relève de la non-actualisation des données et des indicateurs. Pour ce, l'Observatoire recommande la notification, par les acteurs concernés, des données afin de nous permettre d'évaluer les risques potentiels avant, et non, après coup», souligne le Pr Ben Alaya. Et d'ajouter que la surveillance sanitaire devrait rimer avec surveillance environnementale, climatologique et animale, selon une approche inclusive, impliquant toutes les institutions concernées. Le partage des informations entre ces institutions s'impose. Risques de West Nile et de Corona virus L'oratrice a évoqué les éventuels risques d'épidémies détectés. Le virus West Nile représente une maladie dont l'émergence remonte à 1937. Ce virus a été détecté à trois reprises en Tunisie, à savoir en 1997, en 2003 et en 2012. Cette année, les chercheurs et les scientifiques affirment l'intensification de sa circulation dans le pourtour méditerranéen. D'où l'importance d'asseoir les bases d'une surveillance entomologique chez les équidés qui représentent un vecteur de transmission du virus, outre le moustique. La coordinatrice de l'Onmne recommande, par ailleurs, l'intensification des précautions à prendre contre une éventuelle réintroduction du corona virus suite, notamment, au retour des pèlerins. De son côté, le Dr Berrich, du service d'infectiologie au CHU La Rabta, a dressé la liste des maladies émergentes et ré-émergentes dues à des transmissions hydriques. C'est le cas, à titre indicatif, de la fièvre typhoïde, dont les agents pathogènes sont la consommation de l'eau souillée, le linge sale, la consommation de fruits de mer infects, etc. En 2001, quelque 21,6 millions de cas ont été recensés. En Tunisie, et selon les chiffres relatifs à 2012, les cas de fièvre typhoïde se limitent à 28, alors qu'ils étaient de l'ordre de 252 en 1996. La liste des maladies de transmission hydrique compte, aussi, les salmonelloses mineures, le choléra, l'hépatite A et E, la poliomyélite ainsi que le rotavirus. Certes, bon nombre de maladies émergentes ont été éradiquées dans notre pays, cela n'empêche qu'il est toujours recommandé d'être vigilant.