Par Abdelhamid Gmati Pour les Tunisiens, le terrorisme est une réalité. Selon un récent sondage, 58% des personnes interrogées estiment que le terrorisme est fortement ancré en Tunisie. Il se trouve qu'une certaine proportion de Tunisiens (39,2%) pensent que le terrorisme existe mais moyennement. Pourtant, les assassinats de nos militaires, de nos forces de l'ordre, de nos touristes, de nos civils et les attentats au Bardo et à Sousse sont édifiants. La décapitation horrible du jeune berger dans le gouvernorat de Sidi Bouzid est là pour attester de la barbarie des ces porteurs de la mort. Et les forces de sécurité, dans leur ensemble (militaires, policiers, gardes nationaux, douaniers) ne cessent de démanteler des cellules dormantes, de découvrir des caches d'armes, de procéder à des arrestations, de traquer les terroristes dans les montagnes, les villes et villages et jusque dans les établissements d'enseignement. Et on découvre que, parmi le nombre de takfiristes et d'adeptes du jihad, les femmes occupent une bonne place. Ainsi, outre les 7 écolières et étudiantes arrêtées la semaine dernière, les unités sécuritaires, dans le gouvernorat du Kef, ont réussi, jeudi dernier, à arrêter 3 étudiants extrémistes dont une jeune fille. Les agents de l'ordre ont également arrêté 4 terroristes dont 3 femmes portant le nikab. Ces individus sont accusés d'avoir créé une brigade terroriste dite « Jond Al Khilafa ». A Siliana, les agents de la police judiciaire ont procédé à l'arrestation de 7 individus, dont 6 filles : ils avaient en leur possession des documents détaillant la manière de démonter et d'assembler des armes à feu. Trois extrémistes religieux, revenant de Libye, ont été arrêtés, ce jeudi, à la frontière tuniso-libyenne, à Médenine. La garde nationale et la douane ont intercepté ces 3 individus qui ont tenté de s'introduire illégalement en Tunisie. Ils auraient rejoint un groupe armé en Libye et revenaient en Tunisie pour perpétrer des attentats. C'est dire que la situation est très sérieuse. Et il est clair que les services de la sécurité entrent dans une nouvelle phase. Mercredi dernier, la vigilance des forces de sécurité est montée de plusieurs crans dans toutes les villes de la Tunisie passant au niveau 2 (sur 5), qui signifie une vigilance accrue, nécessitée par la situation sécuritaire du moment qui prévoit des fouilles de véhicules et des personnes et même un ratissage complet dans tous les points sensibles de la ville concernée comme ports et aéroports. Il est clair que « la Tunisie prend toutes ses dispositions afin de se préparer à un danger, qui est imminent et qui ne concerne pas la Tunisie uniquement ». Le secrétaire général de Nida Tounès, Mohsen Marzouk a donné son point de vue sur cette question : « Nous nous trouvons face à un ennemi et non à un Etat [...] ce qui revient à dire que la confrontation n'est pas entre un Etat et un citoyen, mais plutôt entre un Etat et un ennemi. D'où la nécessité de se rendre à cette évidence et de se doter des moyens indispensables à cette lutte ». Cela accrédite la thèse défendue par certains qu'on peut céder sur certaines libertés pour avoir plus de sécurité. Ce qui fait craindre un retour des pratiques de la dictature qui, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, a donné trop de libertés aux forces de l'ordre au détriment des libertés individuelles et collectives, au point d'aboutir à un état policier où tous les abus ont été commis avec arrestations abusives, détentions arbitraires, tortures... Un sondage, mené par Sigma Conseil, révèle que 78% des Tunisiens se disent prêts à sacrifier un peu de liberté contre de la sécurité. En France 84% des personnes interrogées sont prêtes à accepter davantage de contrôles et une certaine limitation de leurs libertés pour mieux garantir la sécurité. Le sondage indique que la majorité des Tunisiens estime que des parties étrangères sont derrière la prolifération du terrorisme dans leur pays et que l'embrigadement des jeunes pour qu'ils adoptent l'idéologie terroriste se fait essentiellement sur internet, dans les mosquées et dans les cafés. Certes, mais de quelles libertés parle-t-on ? Soulignons, d'abord, que la loi antiterroriste, en vigueur, octroie un vaste champ de manœuvre aux forces de l'ordre, qui ne manquent que de moyens matériels pour mieux accomplir leur mission. Les résultats qu'ils obtiennent sur le terrain prouvent leur efficacité. Il est évident qu'il n'est pas question de toucher aux libertés d'expression, de presse, de publication, ni au respect des lois et des droits de l'Homme. Reste que certaines libertés peuvent être, momentanément, suspendues. Comme la liberté d'habillement. Une institutrice et une surveillante, à Jendouba et à Hammam-Lif, ont été suspendues de leurs fonctions, car elles portaient le nikab et ont refusé de s'en défaire. Cet accoutrement n'a rien à voir avec la religion : ce n'est qu'un signe de ralliement à une certaine secte jihadiste ; de plus, il n'a rien de tunisien et a été décrié par le mufti et même par le président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, qui avait souligné en 2014 « l'obligation d'interdire le port du voile intégral (niqab) dans les lieux publics et les institutions publiques en raison de la possibilité de dissimuler les identités des personnes ». Si l'on doit se mobiliser pour venir à bout du terrorisme, on se doit aussi d'être vigilant concernant certaines libertés et droits fondamentaux. Cela ne doit pas non plus tourner à la paranoïa. Ni dans un sens ni dans l'autre. A.G.