Par Mahmoud HOSNI ON a aujourd'hui la grave impression que tout le monde évolue avec des œillères, dirigeants, chefs de partis politiques, autant que simples citoyens. En fait, au fil des ans, des mois et des semaines, une seule conclusion se dégage : ce sont les préoccupations partisanes, les discours électoralistes avec les promesses qui en résultent — mais qui demeurent, en fin de parcours, des vœux sans lendemain — qui prévalent. Pas plus. D'où des lendemains meilleurs sans cesse promis et remis aux calendes grecques, depuis maintenant plus de cinq ans. Résultat : on est aujourd'hui face aux oubliés de la révolution, à ceux-là mêmes qui l'ont conduite. Laissés pour compte, abandonnés sur le quai, ils ont été pris de vitesse par les professionnels de la politique qui ont su prendre le train en marche, et habilement en ont changé la destination, se préoccupant surtout de placer leurs hommes et leurs femmes aux postes de commande et oubliant les objectifs que sont la dignité, l'emploi et l'équité régionale. Aujourd'hui, on est face à des régions réellement damnées, condamnées à demeurer en marge du train du développement, transformé en train de la politique des œillères et des stratégies, à vol d'oiseau, c'est-à-dire remises aux lendemains. Dernier exemple et non des moindres : les familles et les douars isolés au flanc des montagnes exposées à la menace terroriste et qui se trouvent prises entre le marteau du terrorisme et l'enclume du no man's land et du dénuement. Ce qui prête à sourire — voire à rire de tristesse — c'est la promesse sans cesse réitérée du ministère de l'Equipement de réaliser 30.000 logements au profit des familles nécessiteuses. Le ministère a-t-il établi des priorités ? Et s'il commençait par ces familles, exposées directement à tous les risques et aléas ? Avec les autres départements — Agriculture, Défense, Affaires sociales notamment — un véritable programme de mise en valeur et de développement aurait permis d'ériger ces douars en boucliers réels face au terrorisme qui les guette et nous menace tous en permanence. N'est-ce pas plus efficace, plus réaliste que toutes les conférences sur la lutte contre le terrorisme que l'on se promet d'organiser et qui ne déboucheront que sur des lapalissades ? Décidément, on continue à gérer ce pays avec des œillères, à parler de stratégie globale et de prospective, c'est-à-dire de lendemains qui chantent, au lieu d'adopter une démarche réaliste et qui constituera la plateforme véritable du nouveau modèle de développement que l'on prône et que l'on répète sans en voir vraiment le commencement. C'est par les plus pauvres et les plus démunis qu'il faudrait commencer, en prônant la discrimination positive envers ceux-là mêmes qui ont placé trop d'espoirs en la révolution. Aujourd'hui, la centrale syndicale a, elle aussi, mis des œillères dans la conduite des négociations sociales, si bien qu'elle a été rendue aveugle, à la situation catastrophique de l'économie — entreprises en difficulté, tourisme au point zéro — faisant monter les enchères et la surenchère, menaçant le pays de paralysie totale. Où allons-nous avec ces œillères qui ne permettent à aucun responsable de l'Etat ou des organisations nationales de voir ces pans entiers de la société vivant sous le glaive de la pauvreté et du dénuement ? Vivront-ils indéfiniment de liberté et d'eau fraîche ? Encore faut-il qu'ils aient de l'eau potable.