Voilà un réalisateur qui sait que la fiction est moins compliquée que la réalité Ce film parle kurde et accroche, même sans les sous-titres. Nous l'avions vu lundi dernier lors des projections de presse organisées pour les films en compétition. Le premier quart d'heure distille des personnages ordinaires, chacun dans son environnement. Il y a la jeune maman qui borde sa fille mais qui ne s'empêche pas de choisir «le bon couteau». L'adolescent de 16 ans qui, visiblement, a un projet dans la tête. Le dandy moustachu qui se prépare pour un rendez-vous galant. Le coach d'arts martiaux passionné par son métier. Le jeune homme qui rate l'excursion. Et, le vieux qui râle. Il a fallu quelques coups de fil pour que l'on trouve l'erreur, que la version sous-titrée en anglais arrive et que le film redémarre dès le début. Il s'agit, bien entendu, de «Letter to the king» ou «Lettre au roi» de Hisham Zaman, cinéaste norvégo-kurde, Tanit d'argent, si nos souvenirs sont bons, des précédentes JCC, avec un premier long métrage intitulé «Before snowfall». La lettre est signée Mirza, le vieux de 83 ans qui râle. Ce dernier est l'un des cinq migrants en attente de régularisation et qui sont autorisés à passer une journée à Oslo. Le portrait des cinq se dessine enfin. Le sixième personnage embarque dans le bus à l'insu de la Norvégienne responsable au camp de réfugiés. La journée à Oslo sera celle des choix décisifs. La jeune maman accomplira son désir de vengeance. L'adolescent dira non à la fille trop grosse pour lui, et qu'il voulait séduire en teignant ses cheveux en blond. Le coach sera humilié devant les professionnels d'arts martiaux norvégiens. Le dandy deviendra l'amant — malgré lui —, d'une femme beaucoup plus âgée, mais qui acceptera, peut être, de financer son projet. Le resquilleur, quant à lui, aura fait le voyage pour rien : ses anciens patrons refusent de le payer. Mais le roi, ah oui, le roi de Norvège, il n'aura jamais la lettre. Cette lettre qui déchire le cœur et qui raconte tant la misère et l'injustice subies par les Kurdes. Pourtant, Mirza ne demande qu'à enterrer les siens, et le passé avec, pour mieux finir ce qui lui reste à vivre. D'ailleurs, la lettre est le lien entre tous ces personnages qui espèrent un nouveau départ. Elle est également le lien entre nous, spectateurs, et ce film qui nous vient de loin. Nous, qui recherchons le beau à travers cet art qu'est le cinéma, et qui avons besoin de voir notre réalité autrement, pour la changer. Hisham Zaman réussit à nous embarquer avec lui, dans ce voyage à Oslo, dans ce mélodrame fin, simple et direct, qui touche à différents niveaux et évite les écueils de ce délicat sujet, fort actuel, qu'est les réfugiés en quête d'intégration. Le scénario, fluide et intelligent, traite de l'essentiel et permet à chaque personnage d'exister en peu de scènes, le temps qu'il faut, le temps d'un soupir...