Le classico ESS-CA importe au-delà du résultat et quel que soit le nom du vainqueur. L'image du championnat, du football tunisien même, dépend beaucoup de ce genre d'épreuve. On juge souvent aux résultats. Mais aussi au jeu et à l'ambiance. Et des fois à l'ambiance plus qu'au résultat. Si l'on ne doit retenir qu'une seule chose des différentes confrontations entre les deux équipes, ça serait certainement l'esprit qui y régnait. Elle apporte que l'enjeu n'est jamais l'ennemi du jeu et du spectacle. Il arrivait à l'Etoile, tout comme au CA, de pousser la démonstration jusqu'à la perfection, prouvant chaque fois que ce genre de rendez-vous est bel et bien le rassemblement des joueurs les plus costauds, où l'expression de base n'est autre que le talent individuel et collectif additionnés. En ce domaine, ils ont bien du savoir-faire. Ils ont ainsi remis l'intérêt pour le jeu au centre des débats, prouvant que cela peut avoir une part capitale dans les résultats et leurs performances respectives. La confrontation de cet après-midi s'annonce bien remplie et fortement motivante. Les classico se succèdent et ne se ressemblent pas. Ici et là, il y aura toujours un défi à relever, un obstacle à dépasser, des promesses à tenir et des engagements à honorer. Pour détenir cette volonté, il faut en avoir envie et savoir aller au-delà de soi-même, sportivement et athlétiquement s'entend. Il y a même de ces joueurs qui comprennent si bien l'essence du jeu et respirent si bien la cohérence dans son expression. Ils se situent si bien dans l'espace qu'ils créent la complémentarité des gestes et des positions. Ils donnent ainsi au jeu une toute autre dimension. Le jeu pour le jeu, le jeu qui ne tue pas le jeu. Les vainqueurs de chaque épreuve ont certainement conscience du privilège de ce statut, et surtout du mérite qui en découle. Les joueurs de l'Etoile ont gagné du temps. Beaucoup d'épreuves, mais aussi de souffrance et d'apprentissage, les ont rendus encore plus forts. Ils sont en train aujourd'hui de vivre quelque chose d'exceptionnel. La plupart d'entre eux dégagent autant de force que de talent. Cela se traduit, d'ailleurs, par la marge de progression qu'ils ne cessent d'acquérir à travers les épreuves auxquelles ils sont soumis, mais aussi les défis qu'ils ne cessent de relever. Il faut dire que ce qu'ils ont accompli leur montre, encore et toujours, le chemin qu'il leur reste à faire. Tous ces détails, ces petites erreurs qui ne pardonnent pas. Ils avancent résolument dans le parcours qu'ils ont tracé à la vitesse de sportifs pressés de réussir et de tout obtenir. Cela témoigne de personnalités affirmées et d'un caractère bien trempé. Les joueurs de l'Etoile donnent ainsi l'impression que leur qualité d'adaptation s'est fortement améliorée. Et s'ils commencent à surfer sur la vague des succès, ils commencent aussi à se rapprocher de la brigade d'exception qui fait la pluie et le beau temps. Nous sommes là en présence de toute une équipe qui progresse, qui a connu récemment de belles choses et qui a encore envie d'en connaître d'autres, même si un nouveau cycle s'ouvre à présent. On sent que l'effort compte beaucoup ici et plus qu'ailleurs. Les joueurs mesurent aujourd'hui la chance qui leur est offerte. Ils la ressentent avant tout comme un privilège et une fierté. On joue pour gagner Le constat peut choquer, mais le Club Africain ne galope plus, comme son statut l'exige. C'est-à-dire à pas de géant. L'on peut dès lors imaginer le gâchis causé par un tel manquement. Il est, d'ailleurs, bien loin le temps où l'équipe clubiste disposait d'une capacité générale à gérer une série de matches avec aisance et supériorité. Cela est devenu énorme aussi pour des joueurs et des responsables visiblement incapables à se fondre dans le cadre défini et exigé par l'impératif de vaincre et de convaincre. Les joueurs engagés à un prix fort répondent-ils réellement aux besoins et aux exigences de l'étape? Le problème est bien là: les cadres n'assument pas leur rôle. Ou du moins, ils n'ont point l'aptitude de patrons absolus. D'une déception à l'autre, d'un abandon à l'autre, le relâchement de l'équipe clubiste était presque annoncé, sans qu'une trajectoire aussi déclinante ne paraisse pour autant soulever une réelle prise de conscience, ni entraîner une mobilisation de tous les instants. Des joueurs sans réelle motivation, en proie à toutes les dérives. Le désarroi était à la fois inévitable et injustifiable. Pour réhabiliter son équipe, Kouki devrait aujourd'hui lancer le pari de jouer et faire confiance aux jeunes. Le CA a plus que jamais besoin de revendiquer une vraie identité de jeu, et surtout ne plus vivre sur le même statut. Pour cela, il devrait faire appel au portrait et à la vocation d'hommes avec la plus extrême détermination, défendant sans répit leurs couleurs et formatés pour gagner. Dans le monde d'un classico qui rend l'échec inacceptable, seule la victoire est belle. La défaite pourrait être tellement stigmatisée que le risque d'être perçu comme un perdant peut devenir insupportable. Cela défie, certainement, de nombreuses logiques. Mais pas celle du football de haut niveau, sensible à l'opportunisme, à la volonté, à la résistance, à la patience, à la solidité et à la détermination. Pour autant, cela ne manque pas de rappeler une vérité: on joue comme on vit, mais surtout pour gagner. Et le moins que l'on puisse dire, c'est excessivement espéré. Et pas seulement sur le terrain.