Il suffit de siffler des bouts des lèvres le mot Koutteb pour que refait surface l'image tristement célèbre de Sidi El Meddeb. Ce maître au regard terrifiant, assis sur une natte d'alfa, qui tient une longue baguette de roseau à la main avec laquelle il donne des coups sur la chéchia de l'élève qui ne récite pas bien les versets du Coran. Oui, à peine prononce-t-on le mot Koutteb, que la mémoire éveille en nous ces images des élèves tassés dans un petit espace où l'on trouve seuleument quelques nattes, un petit tapis pour le maître, un vase servant pour le lavage des planchettes à écrire. Ces disciples qui chantent et psalmodient le Coran en balançant le haut du corps, sous le regard vigilant du meddeb qui suit tout ce petit monde individuellement et dont l'oreille très fine perçoit la moindre intonation fausse au milieu de ce charivari de chants et de paroles et qui réserve la falqa comme châtiment approprié aux plus récalcitrants des élèves. Fort heureusement, elle est bien révolue l'époque de ce système éducatif aux méthodes éculées, il n'empêche, le Koutteb comme institution semble bien avoir résisté aux aléas du temps et marque aujourd'hui un retour tonitruant. Ce mode d'enseignement de base, qui a vu le jour il y a plus de 1400 ans sous le règne de Omar Ibn El Khattab, deuxième calife des musulmans qui a eu l'ingénieuse idée de regrouper les enfants qui passaient la plupart de leur temps dans les rues, dans des écoles coraniques pour leur apprendre à lire et a écrire, séduit davantage les parents qui y espèrent y trouver perspicacité dans l'apprentissage et la mémorisation du Coran, mais aussi rigueur et discipline dans leur éducation civique. Mais pour charmer autant de parents, il a fallu auparavant engager un plan de réforme qui vise à débarrasser les Kouttebs de cette image altérée et stéréotypée, et baliser la voie à la refonte des programmes et des méthodes suivis en vue d'une modernisation totale de cette institution séculaire de par son importance dans le processus général d'éducation. A cet effet, le nombre d'enfants fréquentant les Kouttebs a augmenté d'une façon spectaculaire pour atteindre les 25.000 élèves entraînant ainsi une progression du nombre des Kouttebs , qui après une longue agonie passent à plus de 1.051. En effet, la revalorisation de ces lieux privilégiés où abondent, depuis des siècles, les cercles de psalmodieurs du Coran, où se sont initiés les plus grands fuqahas, les spécialistes du Hadith, les linguistes et les savants, et d'où rayonnent les lumières de la foi et de la connaissance dispensées aux élèves venus de tous les horizons, notre pays, apporte la preuve, si besoin est, de l' attachement constant de la Tunisie de l'Ere nouvelle à consacrer la continuité entre le passé et le présent et à œuvrer à assurer durablement la pérennité, la solidité, la vitalité et le renouveau constant de l'identité religieuse et culturelle, conformément aux dispositions de l'article premier de la Constitution qui stipule que “la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain; sa religion est l'Islam, sa langue l'Arabe et son régime la République”. Voilà donc une institution qui renaît de ses cendres et restitue l'image d'un peuple en communion, qui dans sa perception lucide de son passé, de son présent et dans sa foi en l'avenir, allie le savoir à l'action, pour atteindre les plus hauts niveaux de progrès et d'invulnérabilité tout en demeurant attaché à sa religion et à son identité arabo-musulmane, et reflète la meilleure image d'une religion de tolérance, de solidarité, d'ouverture, de labeur et du juste milieu.