Après des années d'absence, le «koutteb» est de retour, cette institution reléguée pour une période assez longue, aux oubliettes acquiert chaque jour plus de notoriété en tant qu'institution modèle qui offre à nos enfants une éducation de qualité. Le «koutteb» réintègre nos discussions et nos espaces publics. Qui y envoie ses enfants pour apprendre le Coran, qui y voit une alternative à la garderie et au jardin d'enfants, les motivations diffèrent d'une personne à une autre mais le résultat est le même, à savoir que les koutteb sont, aujourd'hui, pris d'assaut par les parents et que la demande d'inscriptions dépasse les places disponibles. Quelles sont les causes réelles de ce retour en force des écoles coraniques‑? Que cherche le parent qui y envoie son enfant‑? Comment est le «koutteb» d'aujourd'hui ? Nous avons tenté de répondre à toutes ces questions à travers un reportage dans quelques «koutteb» situés dans la médina de Tunis et ses environs. Du moins ceux qui étaient ouverts car, en cette saison estivale, le koutteb ferme ses portes et l'enseignement reprend à la rentrée scolaire. Après deux années de fermeture pour restauration «Koutteb El Majd» du côté d'El Ouardia ouvrira ses portes à la prochaine rentrée scolaire. Khaled, le «meddeb» qui en sera chargé, est enthousiaste à cette idée et attend la rentrée avec impatience. A l'intérieur, le koutteb comporte une grande natte et une quinzaine de tables d'écoliers. Dix enfants dont trois sont résidents à l'étranger étaient présents ce jour-là. Ces derniers viennent pour apprendre quelques mots d'arabe. A la rentrée, précise Khaled, il y aura surtout des élèves de la classe préparatoire, ajoutant qu'on leur apprend aussi bien le Coran, les règles d'hygiène que les chiffres et les lettres. Ahmed, «meddeb» dans un koutteb du côté de Bab Alioua, souligne que certains koutteb de la médina ouvriront leurs portes à l'occasion du mois sacré. Ahmed est maîtrisard en théologie, ne trouvant pas d'emploi, il a accepté de prendre en charge quelques enfants et de les accompagner dans l'apprentissage des bases de la lecture et de l'écriture. Du côté des parents, Younes déclare qu'il envoie ses deux enfants au koutteb pour apprendre le Coran, ajoutant que cet apprentissage est, selon lui, excellent pour développer la mémoire de l'enfant, son vocabulaire et ses connaissances. Habiba B. reconnaît, elle, qu'elle a inscrit son fils de cinq ans au koutteb pour avoir un peu de répit et l'occuper un peu. «En effet, pour un enfant turbulent, le koutteb peut être la solution pour lui apprendre à se tenir calme. Au début c'était très difficile pour lui mais il a fini par s'habituer et par se faire des amis». Reste à savoir si le koutteb d'aujourd'hui ressemble à celui d'antan ou s'il en est totalement différent. Pour répondre à cette question, nous avons interrogé Am Mustapha, commerçant à Al Attarine, qui a déclaré que de son temps, «le koutteb faisait partie intégrante du quartier. Généralement, c'est un garage ou une salle mitoyenne d'une mosquée ou d'un marabout. C'est une pièce pas très grande aux murs nus et qui ne comprend généralement qu'une fenêtre et une porte; pour seul meuble, le parterre est couvert d'une natte. Les enfants sont assis par terre. Le meddeb qui porte, lui, un habit traditionnel, est également assis par terre, il a l'œil sur les enfants et tient un long bâton en roseau qu'il utilise lorsqu'il le faut et notamment pour calmer les enfants turbulents et ceux qui ne s'appliquent pas dans l'apprentissage». Il faut dire que le koutteb d'aujourd'hui s'est débarrassé de la falka, des nattes et de l'ambiance empreinte de crainte et de peur. Le meddeb aussi a suivi l'air du temps et il est devenu beaucoup plus abordable et plus humain. Parfois, on a même affaire à une «meddeb» femme. Si durant la colonisation et la période post-indépendance, la tendance était à la marginalisation de ces institutions, aujourd'hui, c'est un vrai renouveau que vit le koutteb grâce, notamment, à une politique qui veut que ces institutions rejouent leur rôle d'école et d'espace où on apprend les bases de la religion et les principes de l'Islam. Cette renaissance du koutteb est sans doute due à un choix politique qui a voulu redorer ces lieux et revaloriser le rôle du koutteb en tant que moyen de préserver l'identité arabo-musulmane et de diffuser les valeurs de l'Islam et les principes de la tolérance. Plusieurs actions ont ainsi été conduites par le ministère des Affaires religieuses afin de réaliser cet objectif et notamment celui d'habiliter cette institution à adopter les méthodes pédagogiques modernes et à contribuer à la formation active des enfants. C'est à cet effet que le ministère a élaboré un plan de réforme auquel ont été associés les ministères de la Santé publique, le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance et le ministère de l'Education. L'application de ce programme a démarré à partir de l'année 2001. La réforme vise surtout à former une génération imprégnée des valeurs de modération et de tolérance, et ce, à travers l'acquisition des règles islamiques, la mémorisation du coran et des dits du Prophète ainsi que le développement des facultés d'écoute et de compréhension. Les programmes éducatifs des koutteb ont, à cet effet, été révisés de façon à ce que la formation qui y est dispensée soit complète, alliant la mémorisation de versets du coran et l'acquisition des principes de l'éducation religieuse et civile. D'un autre côté, le ministère a veillé à réhabiliter ces espaces et à les aménager afin de les adapter aux cadres et aux structures pédagogiques des espaces analogues modernes et de les doter des moyens et des conditions sanitaires nécessaires. En plus le ministère des Affaires religieuses a entrepris, en collaboration avec le ministère de l'Emploi et particulièrement le Fonds 21-21, l'habilitation d'une nouvelle génération d'éducateurs recrutés parmi les titulaires de la maîtrise en sciences religieuses et formés dans le cadre de cycles d'apprentissage organisés à l'Institut supérieur des sciences religieuses. Par ailleurs et pour une meilleure prise en charge et un encadrement optimal des koutteb, le ministère a effectué le recensement de la totalité des établissements concernés afin d'en évaluer les activités et le rendement. Les données recueillies ont permis de constater que le nombre de koutteb a triplé depuis 1987, passant de 378 à 1.086 en 2009 et que le nombre des enfants qui les fréquentent a enregistré une augmentation de 400%.