Avec la démission des 21 députés nidaïstes du groupe parlementaire de leur parti, Ennahdha est propulsé officiellement parti majoritaire au sein du Parlement. Et c'est le retour du tourisme parlementaire qu'on croyait révolu avec la défunte ANC Maintenant que les dés sont définitivement jetés au sein de Nida Tounès dans la mesure où Hafedh Caïd Essebsi a pris le pouvoir pour diriger le parti jusqu'au congrès électif prévu en juillet prochain (sauf s'il s'avère impossible qu'il soit tenu à la date prévue), que Mohsen Marzouk va se consacrer d'ici le 2 mars prochain, date de la création de son parti, à la mobilisation du «million de militants de base qui auront à définir, lors d'une consultation élargie au maximum, les orientations et aussi le nom du prochain parti» et en attendant que les démissions des députés nidaïstes mécontents du congrès deviennent, aujourd'hui, mercredi 13 janvier, effectives et définitives, la question que l'on se pose est la suivante : quelle configuration va prendre, d'ici lundi prochain, le paysage parlementaire ? En plus clair, la perte de Nida de son statut de parti n°1 au sein du Parlement disposant du plus grand groupe parlementaire (86 députés avant la comptabilisation du nombre définitif des députés démissionnaires) est-elle consommée et pour de bon cette fois ? Comment va se comporter Ennahdha qui va accéder, avec ses 69 députés, au statut de première force politique au sein du Palais du Bardo et comment les nahdhaouis vont-ils en tirer profit, plus particulièrement au niveau des commissions parlementaires dont ils auront à choisir le poste de président comme le prévoit le règlement intérieur de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), sans oublier la composition du bureau de l'ARP où leur nouveau statut leur permet de s'y tailler la part du lion ? Quant aux députés démissionnaires du bloc parlementaire nidaïste (jusqu'à hier, mardi 12 janvier, on parlait de vingt députés qui abandonnent le bloc et maintiennent leur adhésion au parti, alors que 8 autres ont décidé de quitter le parti sans pour autant annoncer s'ils vont rester au sein du groupe parlementaire ou s'ils vont le quitter), on nous promet une conférence de presse pour après-demain, vendredi 15 janvier, au cours de laquelle on saura s'ils vont constituer un groupe parlementaire indépendant, mais défendant toujours les thèses nidaïstes qu'ils estiment abandonnées ou trahies par leurs camarades soutenant le congrès de Sousse ou s'ils choisiront de rallier d'autres groupes parlementaires dont ils se sentent plus proches même s'ils appartiennent à l'opposition. En parallèle, l'Union patriotique libre, présidée par Slim Riahi, accourt à la rescousse de Nida Tounès (version congrès de Sousse) et annonce par la voix de son président qui assume également la fonction de secrétaire général que «les députés upelistes, dont le nombre s'élève à 16, sont disposés à rejoindre le groupe parlementaire nidaïste au cas où Nida Tounès en exprimerait le désir». L'intention est on ne peut plus claire, Slim Riahi offre ses services pour que Nida Tounès récupère, dans une première étape, 16 députés sur les 32 qu'il risque de perdre au sein du palais du Bardo en attendant les résultats auxquels aboutiront les deals en cours avec d'autres députés se proclamant indépendants ou provenant de petits partis comme Al Moubadara. Kamel Morjane, président d'Al Moubadara, vient, en effet, de rencontrer, au cours de la semaine écoulée, le président Béji Caïd Essebsi qui lui aurait proposé, selon des indiscrétions glanées auprès de certains dirigeants d'Al Moubadara, «que ce dernier fusionne avec Nida Tounès» et il semble que Morjane «n'est pas contre et il aurait promis que le bureau dirigeant d'Al Moubadara se prononcera sur cette suggestion d'ici la fin de la semaine en cours». Dans le même ordre d'idées, Mohamed Fadhel Ben Omrane, chef du groupe parlementaire nidaïste (ou de ce qui en reste) poursuit sa cabale contre les députés nidaïstes démissionnaires, allant jusqu'à demander, à travers une correspondance adressée au bureau de l'ARP, qu'ils «soient exclus du parlement et remplacés par les candidats dont les noms suivent ceux des démissionnaires sur les listes de candidature aux législatives du 26 octobre 2014», ce qui revient à remplacer les nidaïstes démissionnaires par d'autres nidaïstes qui soutiendront le clan Hafedh Caïd Essebsi au nom duquel Mohamed Fadhel Ben Omrane parle. Le tourisme parlementaire sera-t-il de retour ? La question est à poser sérieusement quand on sait qu'il «est impossible sur le plan juridique d'exclure du parlement un député qui décide de quitter le parti sur les listes duquel il a été élu», comme le souligne le Pr Kaïes Saïed. Il ajoute : «Fadhel Ben Omrane cherche à nous ramener au défunt article 109 du règlement intérieur de l'ex-Assemblée nationale. Cet article, qui était considéré à l'époque de Bourguiba comme anticonstitutionnel (Constitution du 10 juin 1959), stipulait que tout député exclu du parti qu'il représente au sein du Parlement était automatiquement exclu du palais du Bardo. Et cet article a été utilisé pour se débarrasser d'Ahmed Ben Salah et d'Ahmed Mestiri. Seulement en septembre 1981, l'article en question a été aboli dans le cadre des préparatifs des élections législatives du 1er novembre 1981. Aujourd'hui, rien n'empêche un député de changer de parti au cours de son mandat, et le tourisme parlementaire risque, à la faveur de ce qui se passe au sein de Nida Tounès, de retourner en force». Le Pr Kaïes Saïed s'étonne également des déclarations faites par certains députés nidaïstes qui ont décidé de démissionner du parti tout en maintenant leur appartenance au groupe parlementaire nidaïste. D'autres se déclarent «indépendants» au sein du groupe parlementaire nidaïste : «Pour le moment, c'est un non-sens. Un député élu sur les listes d'un parti est responsable devant ce parti et il n'est pas possible qu'il en démissionne tout en demeurent au sein du groupe parlementaire de ce même parti. Il reste une précision de taille : un député ne peut, en aucune manière, être exclu du parlement par son parti. Toutefois, il peut être renvoyé du palais du Bardo au cas où les conditions de son éligibilité seraient réunies, comme prévu dans la loi». A la question de savoir si les électeurs peuvent retirer à un député leur confiance et l'obliger à quitter le parlement en cours de mandat, le Pr Kaïes Saïed répond : «Avec le mode de scrutin sur la base duquel se sont déroulées les législatives de fin octobre 2014, l'élu n'est pas responsable devant ses électeurs qui ne le connaissent pas même de vue dans la majorité écrasante des cas et donc n'entretiennent aucun rapport direct avec lui. Leur participation à l'opération électorale se trouve limitée au vote le jour des élections». Les 21 députés nidaïstes démissionnaires Le bloc parlementaire d'Ennahdha est désormais majoritaire à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Il compte 69 députés suivi du bloc de Nida Tounès qui détient 65 sièges. Les 21 députés démissionnaires du groupe de Nida Tounès arrivent en troisième position s'ils décident de former un nouveau bloc. Le groupe parlementaire de l'Union patriotique libre (UPL) est en quatrième position avec 16 députés devant le Front populaire qui comprend 15 députés et le bloc d'Afek Tounès, 8 députés. Selon le porte-parole de l'ARP, Hassen Fathali, la démission de 17 députés du bloc parlementaire de Nida Tounès vendredi dernier ne devient effective qu'après 5 jours à compter du dépôt de la démission conformément au règlement intérieur de l'ARP. « Quant à la démission de 8 députés du mouvement Nida Tounès, elle est automatique du bloc parlementaire », indique-t-il. Notons que le nombre des démissionnaires du groupe parlementaire de Nida Tounès atteint les 21 à ce jour. Il s'agit de : – Walid Jalled – Mondher Belhaj Ali – Abderraouf Cherif – Mohamed Naceur Jbira – Hajer Laroussi – Saleh Bargaoui – Sahbi Ben Frej – Abada Kefi – Sameh Bouhaouel – Mustapha Ben Ahmed – Taoufik Ouali – Abderraouf El Mai – Nadia Zengar – Khaoula Ben Aicha – Mohamed Rachdi – Souheil Alouini – Leila Zahaf – Néjib Torjman – Fatma Mseddi – Bochra Belhaj Hmida – Sabrine Goubantini