La dernière prouesse sécuritaire de Ben Guerdane continue de faire le tour de la planète. Le comble de la fierté pour les Tunisiens Alors que deux politiques sur trois continuent de s'adonner à leur mauvais jeu, et au même moment où les plateaux TV regorgent de débats stériles et de brouhaha, rares, très rares sont ceux qui se souviennent encore du dernier attentat terroriste de Ben Guerdane qu'on a fini, paradoxalement, pas oublier ou presque. Cela est dû soit à l'inconscience, soit à l'étourderie ou les deux à la fois. Une certitude tout de même: dans un pays comme le nôtre où le peuple est facilement impressionnable, on a appris à rapidement marginaliser un exploit sécuritaire, si retentissant soit-il. Il n'en est pas, heureusement, de même pour nos amis étrangers qui ne tarissent pas encore d'éloges sur «le brio et le professionnalisme remarquables avec lesquels a été avortée la pourtant fulgurante attaque daéchiste de Ben Guerdane». Et on a vu avec quelle admiration politiciens, citoyens et médias américains, européens, arabes et asiatiques ont commenté cette attaque. Et la vague des éloges de poursuivre allègrement son déferlement, avec un énième hommage, non moins flatteur, rendu par les médias arabes et, tout récemment, par les autorités algériennes et libyennes à nos forces de sécurité et l'armée. Pas plus tard que samedi dernier, un éminent expert français en terrorisme, en l'occurrence M. Henri Vergès, est allé jusqu'à «exhorter l'Occident à tenter de transpercer les secrets providentiels de la réussite sécuritaire tunisienne à Ben Guerdane». Un journaliste égyptien n'en revient pas lui aussi: «Sacrés Tunisiens qui parviennent, on ne sait comment, à éviter de tels pièges», a-t-il écrit. A enseigner dans les universités étrangères ? C'est que cet exploit inoubliable, par sa formidable réussite, continue, mine de rien, de donner matière à réflexion non seulement aux terroristes de tous bords qui ont à revoir l'emplacement de leurs pions sur l'échiquier tunisien, mais aussi à plusieurs pays où on n'arrive pas à comprendre comment la Tunisie, qui n'a ni pétrole, ni gaz, ni bombardiers, ni drones, ni même de systèmes de surveillance électronique sophistiqués, a rapidement pu prendre le dessus, avec le minimum de dégâts et de pertes humaines, sur un attentat de cette ampleur sans précédent qui, dans d'autres contrées qui se reconnaîtront, aurait été sanctionné sinon par l'instauration d'un émirat islamique, du moins par un bilan beaucoup plus dramatique. La psychose (c'en est désormais une) devient autrement plus têtue, lorsque le monde se rappelle que nos services de sécurité et l'armée sont infiltrés, que des centaines de cellules dormantes sévissent dans le pays, que nos frontières avec la Libye et l'Algérie sont fortement sollicitées par les jihadistes, que le pluralisme syndical a déstabilisé l'appareil sécuritaire, que la traque des terroristes s'opère avec des moyens limités, pour ne pas dire insignifiants, que les revendications sociales et salariales perdurent au ministère de l'Intérieur, et que, enfin, pour mettre en échec l'attentat de Ben Guerdane, on n'a eu recours ni au FBI, ni à la CIA, ni à la DST française, ni aux conseils du Pentagone et du Kremlin, ni encore aux drones US. Bref, en Occident surtout où l'hydre terroriste ne cesse de torturer les crânes et de faire mouche, l'on s'accorde à dire aujourd'hui, non sans admiration, que «l'exploit de Ben Guerdane ne doit absolument pas passer inaperçu», que «les compétences tunisiennes en matière de terrorisme sont à prendre en exemple» et que, tenez-vous bien, «leur extraordinaire maîtrise de ce fléau planétaire mérite d'être enseignée dans nos universités». Venant d'un Occident où l'orgueil et l'hypocrisie font bon ménage, cet hommage ne nous est pas rendu pour nos beaux yeux, ou à titre de sympathie, ou au nom de la complaisance, mais bel et bien en considération du travail accompli et de notre prodigieuse réussite dans la guerre contre l'internationale intégriste. D'ailleurs, ce même Occident n'oubliera certainement pas de sitôt que nos agents de la Garde nationale, issus de la prestigieuse école de formation de Bir Bouregba, avaient, de tout temps, marqué de leur empreinte les cours pratiques auxquels ils prenaient part lors des stages de recyclage aux Etats-Unis où ils raflaient les premières places, en dépit de la forte concurrence de leurs compères français, américains, anglais, allemands et arabes. Et dire que le temple de Bir Bouregba continue, chaque année que Dieu fait, de former et de... pondre des «poulets aux œufs d'or». Au grand bonheur des Tunisiens, mais aussi au grand dam des terroristes.