Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux et la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme feront pression sur le gouvernement afin de le pousser à prendre des mesures pertinentes et à trouver des solutions radicales au problème du chômage. Le droit à l'emploi a fait l'objet, mardi, à Tunis, d'une conférence de presse, organisée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes ). Les événements du 14 janvier 2011 ont été déclenchés suite au suicide par immolation de Mohamed Bouazizi, un jeune qui tenait à gagner son pain quotidien et qui avait été privé de ce droit au nom de la loi. Depuis, le taux de chômage tant des jeunes diplômés du supérieur que des jeunes de niveau d'instruction moyen ne cesse de croître. Les revendications sociales des jeunes Tunisiens sont axées essentiellement sur une question économique : s'intégrer dans la vie professionnelle, gagner sa vie dignement, construire son avenir, fonder une famille et servir le pays via le travail et la persévérance. Lors de ce point de presse exclusif, M. Abderrahmen Hedhili, membre du Ftdes et défenseur des droits de l'homme, a rappelé la recrudescence des mouvements protestataires au début de l'année 2016. Cinq ans se sont écoulés depuis la révolution sans pour autant permettre aux décideurs de prendre les mesures nécessaires pour répondre favorablement aux listes interminables et croissantes des chômeurs. «Il n'est plus tolérable, pour le gouvernement, de fermer les yeux sur le problème du chômage et de faire la sourde oreille face aux revendications légitimes des demandeurs d'emploi», a-t-il martelé. Il met en garde contre l'ampleur que risqueraient de prendre les revendications passées sous silence. La sécurité nationale est, d'après lui, étroitement liée à la résolution des problèmes socio-économiques dont le chômage. La situation critique dans laquelle se trouvent des milliers de jeunes, faute de travail, mais qui quêtent leur autonomie financière et une vie digne, révolte M. Abdelsattar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme. Le siège de cette organisation est accaparé depuis des semaines par des sit-inneurs qui ont choisi de faire une grève de la faim en signe de protestation contre la nonchalance des parties concernées et le laxisme des hauts responsables de l'Etat. «Les détenus ayant droit à l'amnistie générale, les activistes relevant de l'Union générale des étudiants de Tunisie, les chômeurs qui ont épuisé des années dans l'attente d'être recrutés ; autant de jeunes qui sont dans le besoin d'être écoutés. Ces jeunes ont ras-le-bol des promesses non tenues. Il faut absolument trouver des solutions pour leur garantir l'accès au marché de l'emploi. Nous avons déjà discuté, poursuit-il, avec les représentants des ministres, mais les débats restent sans suite. Nous avons demandé une audience avec le Chef du gouvernement et il a accepté de nous entendre», souligne M. Ben Moussa. Et d'ajouter que la LDH et le Ftdes feront pression sur le gouvernement dans l'optique de le pousser à résoudre le problème du chômage. Les jeunes dénoncent le laxisme des autorités Wajdi compte parmi les sit-inneurs qui, depuis le 15 janvier dernier, siègent devant le ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle. «Depuis le 15 janvier et jusqu'à aujourd'hui, aucune mesure n'a été prise en notre faveur. Pourtant, nous avons des suggestions pertinentes qui mériteraient d'être examinées. Nous suggérons aux parties concernées de garantir l'embauche d'un jeune issu de chaque famille à Kasserine. Nous demandons aussi la concrétisation du principe de discrimination positive en faveur des jeunes de la région », indique-t-il. Wajdi ne manque pas d'avancer quelques indicateurs clefs, traduisant la marginalisation et la précarité qu'endurent les habitants de Kasserine. «Le taux de chômage à Kasserine a atteint 26%. Quant à celui de la pauvreté, il est de 36%», fait-il remarquer. Un autre jeune originaire de Gafsa a pris la parole pour représenter quelque 57 jeunes qui, le premier février dernier, ont décidé de prendre la route pour Tunis, à pied ! Ils se sont heurtés à une indifférence sidérante. «Nous en avons assez de vivre dans la précarité ! Nous demandons aux parties concernées d'ouvrir des concours nationaux au profit des jeunes de la région, de leur octroyer des micro-crédits susceptibles de les aider à monter de petits projets. Nous réclamons aussi une répartition équitable des richesses de notre région et l'instauration d'une zone maghrébine de libre-échange», propose-t-il. L'insertion professionnelle a fait également l'objet d'un sit-in, organisé par les animateurs de l'enfance, et ce, devant le ministère de la Femme, de la famille et de l'enfance. Cette action de protestation n'a pas eu l'effet escompté sur la ministre. Seuls 50 animateurs de l'enfance bénéficieront d'un recrutement au sein des établissements de l'enfance. «Or, nous sommes plus de 700 animateurs et animatrices qualifiés, condamnés au chômage», rappelle la représentante des animateurs de l'enfance. Criminalisation des mouvements sociaux Sami El Aïch est originaire de Jendouba. Il a relaté sa douloureuse aventure avec les forces de l'ordre. «Nous avons organisé une marche pacifique de 25 personnes depuis Jendouba jusqu'à Tunis pour rappeler aux responsables que nous faisons, nous aussi, partie de ce pays. Nous avons été pris pour des terroristes à quatre reprises. Pourtant, nous ne faisons que réclamer notre droit au travail, à l'investissement, à un développement socio-économique, aux différents mécanismes d'appui aux jeunes diplômés du supérieur», souligne-t-il, lésé. Mohsen Ameur, quant à lui, a évoqué le calvaire des étudiants membres de l'Uget qui, depuis le premier mai 2013, sont exclus des concours nationaux. «Après moult revendications, il a été procédé à l'examen, au cas par cas, des dossiers de 187 diplômés. Le tri a été en faveur de 125 jeunes. Aujourd'hui, nous sommes 52 diplômés du supérieur à être privés du droit à la participation aux concours nationaux», dit-il. Les défenseurs des droits de l'homme condamnent ces agissements infligés aux protestataires pour avoir exprimé des revendications sociales. Selon leur avis, ce comportement hostile dénote la criminalisation progressive et préméditée des mouvements sociaux, ce qui est inadmissible dans un pays qui se veut démocratique. Les jeunes grévistes et sit-inneurs ont saisi l'opportunité pour exposer aux représentants des médias des problèmes qui traînent depuis des mois, voire des années. Chadlia fait partie des 4.000 jeunes enseignants qui ont décroché, en 2015, le Certificat d'aptitude professionnelle à l'enseignement primaire (Capes). Ces enseignants, pourtant qualifiés, n'ont toujours pas été intégrés dans le système éducatif. «M. Néji Jalloul nous avait promis de recruter 2645 d'entre nous pour des postes d'enseignants remplaçants ; une promesse non tenue. Pourtant, les écoles manquent significativement de cadres enseignants. Nous avons organisé un sit-in afin d'inciter les responsables à honorer leurs engagements. Nous ne demandons qu'à travailler et à éduquer les jeunes générations», souligne-t-elle. Béchir est malvoyant et albinos, il fait partie du personnel de l'Union tunisienne des aveugles. Béchir vit mal la marginalisation dont il est sujet ainsi que ses semblables. «Nous sommes des Tunisiens et nous avons le droit de travailler et de gagner notre vie dignement. Nous ne demandons pas l'aumône, nous demandons notre droit. Or, depuis la révolution, notre situation financière ne cesse d'empirer. Nous vivons le calvaire de l'arrêt des subventions de l'Etat», indique-t-il. Mohamed Oussama Mallat représente les jeunes protestataires de Kairouan, mais aussi de Gafsa et de Jendouba. Il ne manque pas de rappeler à l'assistance le manque flagrant des vecteurs de tout développement dans sa région. Kairouan dispose, certes, de six zones industrielles. Ces dernières sont, toutefois, dépourvues d'une infrastructure favorable à l'investissement. Ahmed est originaire de Sidi Bouzid. Son handicap ne l'a pas empêché de réussir sa formation professionnelle et de décrocher deux diplômes en mécanique auto et autres, spécialité poids lourd. Ce jeune âgé de 24 ans a sacrifié ses études pour s'investir dans une formation rentable. Son objectif : monter un projet et nourrir sa famille. Outre les témoignages des jeunes demandeurs d'emploi et de l'égalité des chances, l'assistance a pris connaissance des requêtes de Ridha Berrabhi. Il s'agit d'un détenu qui, suite à une sévère grève de la faim, a été hospitalisé d'urgence. Il revendique, au nom de tous ceux qui ont passé leur vie derrière les barreaux, l'application du décret numéro un en date de 2011 et portant sur le droit à l'amnistie générale et à l'insertion professionnelle.