Par Mahmoud HOSNI DEPUIS plusieurs semaines, le sort du chef du gouvernement, Habib Essid, est mis sur la sellette. Des voix se sont élevées pour appeler à son départ, au vu, selon elles, de ses prestations peu efficaces et qui sont loin de répondre aux attentes. Mais que se passe-t-il réellement dans les arcanes du pouvoir ? Béji Caïd Essebsi vient de trancher la question, même si constitutionnellement, il n'est pas habilité à le faire, en l'occurrence décider du départ ou du maintien du chef du gouvernement. En tout cas, il n'a pas manqué d'exprimer sa position et son jugement. Dans une interview à la chaîne TV BBC Arabic, le président de la République a tranché : il n'y a pas de prémices d'une crise au sein du gouvernement Essid qui est le candidat de Nida Tounès. C'est un chef de gouvernement qui est à la hauteur de ses responsabilités. Mais le président Caïd Essebsi vient d'émettre un simple jugement qui est loin d'être un verdict décidant du sort de Habib Essid. Ce dernier demeure le candidat de Nida Tounès. Mais que reste-t-il de ce parti, majoritaire au lendemain des élections, mais qui, aujourd'hui, a volé en éclats ? Dans leur lutte pour obtenir le maximum d'alliances et de leadership, les ailes de Nida Tounès ont perdu de vue l'essentiel : la situation difficile — voire grave — dans laquelle se débat le pays et son devenir incertain, pour se perdre dans une rude bataille pour la recomposition et les alliances. Si bien que les appels du pied fusent de partout, perdant de vue l'urgence d'une situation qui exige de remiser tous les calculs au fond du placard, ou tout au moins les reporter à un agenda ultérieur. Et l'appel lancé par Habib Essid, la semaine dernière, aux partis de la majorité — la coalition au pouvoir — les exhortant à soutenir l'action du gouvernement est révélateur, à cet égard, de la situation d'attentisme, voire de quasi-pourrissement, dans laquelle s'est enlisé ce gouvernement. C'est surtout un signe de la solitude, de la détresse même dans laquelle se trouve Essid. Hormis Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahdha, qui a plaidé, à l'issue d'un entretien avec le président Caïd Essebsi, en faveur de l'apaisement politique et social, et qui reste au stade d'une simple déclaration, aucun autre parti de la coalition — et encore moins de l'opposition — n'est venu exprimer une position claire au sujet de l'agitation sociale — mais à relents nettement politiques — qui secoue actuellement le pays. De tout cet imbroglio et cet amalgame, une évidence s'impose de plus en plus : il y a, aujourd'hui, une véritable fracture entre le pays réel et le pays virtuel.